Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/383

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rance, ou par trop d’empressement, mais mon cœur n’en fera jamais. Je vis dans la plus profonde retraite, donnant à l’étude le temps que des maladies cruelles peuvent me laisser. Je n’écris qu’à ma nièce. Ma famille et mes amis ne se rassurent contre les prédictions[1] qu’ils m’ont faites que par les assurances respectables que vous leur avez données[2]. Je ne lui parle que de vos bontés, de mon admiration pour votre génie, du bonheur de vivre auprès de vous. Si je lui envoie quelques vers, où mes sentiments pour vous sont exprimés, je lui recommande même de n’en jamais tirer de copie, et elle est d’une fidélité exacte.

Il est bien cruel que tout ce qu’on a mandé à Paris la détourne de venir s’établir ici avec moi, et d’y recueillir mes derniers soupirs. Encore une fois, sire, daignez m’avertir s’il y a quelque chose à reprendre dans ma conduite. Je mettrai cette bonté au rang de vos plus grandes faveurs. Je la mérite, m’étant donné à vous sans réserve. Le bonheur de me sentir moins indigne de vous me fera soutenir patiemment les maux dont je suis accablé.


2331. — À LA PRINCESSE ULRIQUE,
reine de suède[3].
Berlin, le 9 février 1752

Votre Majesté est accoutumée à recevoir des productions de Potsdam. Il est juste que celles que le maître vous envoie soient les meilleures. Mais daignez recevoir avec indulgence les hommages d’un des moindres habitants de ce séjour où l’on chante continuellement des hymnes à votre gloire. Je mets à vos pieds ces prémices ; c’est l’histoire d’un siècle glorieux et semblable à celui que Votre Majesté va faire naître. L’ouvrage ne sera publié de longtemps, et je commence par en faire hommage à Votre Majesté. Il est plein de vérités, et les vérités ont quelquefois des ennemis.


Hélas ! si l’étoile du Nord
Favorise cet ouvrage,
Il doit arriver au port
Sans redouter le naufrage.


J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, etc.


Voltaire.
  1. Voyez la lettre 2485.
  2. Dans la lettre du 23 août 1750.
  3. Éditeur, V. Advielle.