Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’article du Journal des Savants dont il est question n’est point dans le Journal de Paris ; il est dans celui qu’on falsifie à Amsterdam, et se trouve sous l’année 1750. « Le parlement a condamné, dit ce journal, l’Histoire de Louis XIV, de M. Duclos, successeur de M. de Voltaire dans la place d’historiographe de France, à cause de ce passage : La dévotion fut de tout temps l’asile des reines sans pouvoir[1]. Ce sont deux calomnies. Le parlement ne s’est point avisé de condamner ce livre, et le parlement ne se mêle point du tout d’examiner si une reine est dévote ou non. On ajoute une troisième calomnie : c’est que je suis exilé de France, et réfugié en Prusse. Quand cela serait, il me semble que ce ne serait pas une de ces vérités instructives qui sont du ressort du Journal des Savants. Le fait est que le roi de Prusse, qui m’honore de ses bontés depuis quinze ans, m’a fait venir auprès de lui ; qu’il a fait demander au roi mon maître, par son envoyé, que je pusse rester à sa cour en qualité de son chambellan ; que j’y resterai tant que je pourrai lui être de quelque utilité dans son goût pour les belles-lettres, et que ma mauvaise santé et mon âge me permettront de profiter de ses lumières et de ses bontés ; que le roi mon maître, en me cédant à lui, m’a daigné accorder une pension, et m’a conservé la charge de gentilhomme ordinaire de sa chambre. J’en demande pardon aux calomniateurs et à ceux qui se mêlent d’être jaloux ; mais la chose est ainsi. Je n’y puis que faire ; et j’ajoute qu’un homme de lettres serait bien indigne de l’être, s’il était entêté de ces honneurs, et s’il n’était pas toujours aussi prêt à les quitter que reconnaissant envers ceux qui l’en ont comblé. Je n’ai point sacrifié ma liberté au roi de Prusse, et je la préférerai toujours à tous les rois.

Je vous envoie un exemplaire de l’édition que l’on a faite à Paris de mes Œuvres bonnes ou mauvaises[2]. C’est de toutes la plus passable ; il y a pourtant bien des fautes. Une des plus grandes est d’y avoir inséré quatre chapitres du Siècle de Louis XIV, qui est imprimé aujourd’hui séparément. C’est un double emploi, et il est bien vrai, surtout en fait de livres, qu’il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité. C’est par cette raison que je me donnerai bien de garde de vous envoyer les petites pièces fugitives que vous me demandez. Tous ces vers de société ne sont bons que pour les sociétés seules, et pour les seuls moments où ils ont été

  1. Cette phrase de Duclos est une de celles qui sont comprises dans la Dénonciation à l’Académie française, imprimée à la suite du Parallèle de la Henriade et du Lutrin (par Batteux), 1746, in-12.
  2. C’est l’édition en onze volumes petit in-12, dont il est parlé page 265.