Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne doit imprimer d’un auteur que ce qu’il a écrit de digne d’être lu. Avec cette règle honnête, il y aurait moins de livres et plus de goût dans le public. J’espère que la nouvelle édition qu’on a faite à Dresde sera meilleure que toutes les précédentes. Ce sera pour moi une consolation, dans le regret que j’ai d’avoir trop écrit.

J’aurais voulu supprimer beaucoup de choses qui échappent à l’esprit dans la jeunesse, et que la raison condamne dans un âge avancé. Je voudrais même pouvoir supprimer les vers contre Rousseau, qui se trouvent dans l’Épître sur la Calomnie, parce que je n’aime à faire des vers contre personne, que Rousseau a été malheureux, et qu’en bien des choses il a fait honneur à la littérature française ; mais il me réduisit, malgré moi, à la nécessité de répondre à ses outrages par des vérités dures. Il attaqua presque tous les gens de lettres de son temps qui avaient de la réputation ; ses satires n’étaient pas, comme celles de Boileau, des critiques de mauvais ouvrages, mais des injures personnelles et atroces. Les termes de bélître, de maroufle, de louve, de chien, déshonorent ses épîtres, dans lesquelles il ne parle que de ses querelles. Ces basses grossièretés révoltent tout lecteur honnête homme, et font voir que la jalousie rongeait son cœur du fiel le plus acre et le plus noir. Voyez les deux volumes intitulés le Portefeuille. Ce n’est qu’un recueil de mauvaises pièces, dont la plupart ne sont point de Rousseau. Il n’y a que la rage de gagner quelques florins qui ait pu faire publier cette rapsodie. La comédie de l’Hypocondre est de lui, et c’est apparemment pour décrier Rousseau qu’on a imprimé cette sottise. Il avait voulu, à la vérité, la faire jouer à Paris ; mais les comédiens n’ayant osé s’en charger, il n’osa jamais l’imprimer. On ne doit pas tirer de l’oubli de mauvais ouvrages que l’auteur y a condamnés.

Vous serez plus fâché de voir dans ce recueil une lettre sur la mort de Lamotte, où l’on outrage la mémoire de cet académicien distingué, l’accusant des manœuvres les plus lâches, et lui reprochant jusqu’à la petite fortune que son mérite lui avait acquise. Cela indigne à la fois et contre l’auteur et contre l’éditeur.

Ceux qui ont fait imprimer le recueil des Lettres de Rousseau devaient, pour son honneur, les supprimer à jamais. Elles sont dépourvues d’esprit, et très-souvent de vérité. Elles se contredisent ; il dit le pour et le contre ; il loue et il déchire les mêmes personnes ; il parle de Dieu à des gens qui lui donnent de l’argent, et il envoie des satires à Brossette, qui ne lui donne rien.

La véritable cause de sa dernière disgrâce chez le prince