Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/464

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dans le père gardien, la même magnanimité, la même condescendance : le même esprit règne toujours parmi les frères, et notre vie est la tranquillité même. Il est vrai que j’ai damné notre révérend père, mais au moins c’est en bonne compagnie ; et vous m’avouerez que le diable est bien partagé d’avoir à sa cour Platon, Marc-Aurèle, et Frédéric. En attendant nous sommes dans le paradis, et je chante des alléluia malgré toutes les maladies dont je suis accablé. Venez donc, dès que vous serez guéri, augmenter le petit nombre des élus. Rapportez-nous votre vessie et votre gaieté : venez jouir à Potsdam de votre considération, de votre fortune, et de la paix. Vous y aurez le plaisir de jouir et d’espérer. Chaque jour rendra votre destinée plus agréable, votre fortune plus grande, et vos plaisirs plus vifs. Il faut passer sa vie à Potsdam ; c’est mon dessein comme le vôtre. N’allez pas vous laisser séduire par vos dames de Paris, quand votre … sondée sera en état de leur être présentée. Fuyez les agréments de Plaisance, résistez aux tentations. M. Duverney sans doute voudra vous retenir ; mais combien les bontés d’un grand roi, qui peuvent augmenter tous les jours, combien sa confiance, et votre place auprès de lui, sont-elles au-dessus de tout ce qu’on peut vous offrir à Paris ? Songez ce que c’est que de jouir dans un beau séjour des bontés d’un roi toujours humain, toujours égal, sans exciter l’envie des nationaux, sans avoir rien à essuyer de ses compatriotes. Vous me retrouverez tel que vous m’avez laissé, ne sortant point de ma cellule que j’aime, travaillant autant que mes forces délabrées le peuvent permettre, résigné dans ma vocation, et vous aimant de tout mon cœur. Je vous prie de faire mes compliments à M. Daran[1], quoique je n’aie pas besoin de lui.


2400. — À M. LE PRÉSIDENT HENAULT.
À Potsdam, le 25 juillet.

Je suis aussi charmé de votre lettre, mon cher et illustre confrère, que je suis affligé de cette édition de Lyon. Je souhaitais qu’on imprimât le Siècle de Louis XIV, mais corrigé, mais digne de la nation et de vous.

Tout le monde ne m’a pas fait attendre ses faveurs comme M. le maréchal de Noailles. J’ai reçu des instructions de toute

  1. Chirurgien encore connu aujourd’hui par les sondes ou bougies qui portent son nom. (B.)