Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/524

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Il s’agissait, disait-on, d’une découverte importante dont on vous accusait d’avoir voulu ravir la gloire à son auteur par envie et par malignité. On vous imputait d’avoir forgé une lettre de Leibnitz, dans laquelle vous aviez vous-même inséré cette découverte. On prétendait que, pressé par l’Académie de représenter l’original de cette lettre, vous aviez eu recours à l’artifice grossier de supposer, après coup, que vous en teniez la copie de la main d’un homme qui est mort il y a quelques années.

Jugez vous-même, monsieur, si je ne devais pas avoir les préjugés les plus violents, et si vous ne devez pas pardonner à tous ceux qui vous ont condamné, quand ils n’ont été instruits que par les allégations de votre adversaire, confirmées par votre silence.

Votre Appel m’a ouvert les yeux, ainsi qu’à tout le public. Quiconque a lu votre Mémoire a été convaincu de votre innocence. Vos pièces justificatives établissent tout le contraire de ce que votre ennemi vous imputait. On voit évidemment que vous commençâtes par montrer à Maupertuis l’ouvrage dans lequel vous combattiez ses sentiments ; que cet ouvrage est écrit avec la grande politesse et les égards les plus circonspects ; qu’en le réfutant, vous lui avez prodigué des éloges ; que vous lui avez d’abord avoué, avec la bonne foi et la franchise de votre patrie, tout ce qui concernait la lettre de Leibnitz. Vous lui dites que vous la teniez, avec plusieurs autres, des mains de feu Henzi ; que l’original ne pourrait probablement se trouver ; enfin vous imprimâtes et votre réfutation et une partie de la lettre de Leibnitz avec le consentement de votre adversaire, consentement qu’il signa lui-même. Les Actes de Leipsick furent les dépositaires de votre ouvrage, et de cette même lettre sur laquelle on vous a fait le plus étrange procès criminel dont on ait jamais entendu parler dans la littérature.

Il est clair comme le jour que cette lettre de Leibnitz, que vous rapportez aujourd’hui tout entière avec deux autres, ont été écrites par ce grand homme, et n’ont pu être écrites que par lui. Il n’y a personne qui n’y reconnaisse sa manière de penser, son style profond, mais un peu diffus et embarrassé ; sa coutume de jeter des idées, ou plutôt des semences d’idées qui excitent à les développer. Mais ce qu’il y a de plus étrange dans cette affaire, et ce qui me cause une surprise dont je ne reviens point, c’est que cette même lettre de Leibnitz dont on faisait tant de bruit, cette lettre pour laquelle on a intéressé tant de puissances, cette lettre qu’on vous accusait d’avoir indignement supposée et