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Adieu, mon cher Voltaire, j’attends de vos nouvelles avec la plus grande impatience. Vous êtes sûr de ma sincère amitié ; vous pouvez l’être aussi de ma véritable reconnaissance.


3130. — À M.  BERTRAND[1].
Aux Délices, 7 mars 1756.

En arrivant, mon cher et humain philosophe, à mes petites Délices, j’ai été instruit des plaintes injustes que forme ici un libraire. Je conçois que tout libraire doit aspirer à vous imprimer, mais que ceux de votre pays doivent avoir la préférence. Ensuite on vous imprimera partout. J’attends avec la plus grande impatience votre dissertation sur les tremblements de terre. Vous connaissez si bien les montagnes que vous devez connaître aussi les cavernes. Vous nous instruirez sur tous les recoins de notre habitation, et principalement sur le grand architecte qui l’a bâtie. Je reviendrai le plus tôt que je pourrai à mon petit ermitage de Monrion, après quoi je compte venir vous apporter à Berne et soumettre à votre jugement et à celui de M.  le banneret de Freudenreich mes rêveries dont vous avez voulu voir l’ébauche. Vous verrez que j’aurai profité de vos sages et judicieuses réflexions. Il est vrai que des vers ne sont que des vers, c’est-à-dire des bagatelles difficiles, dans lesquelles on ne s’exprime pas toujours comme on voudrait. Je vous supplie de ne montrer à personne ces misères. Votre prose me dégoûte un peu de la poésie. Il est honteux à mon âge de songer à des rimes. Je ne dois penser qu’à vivre obscur et tranquille et à mourir avec confiance dans la bonté infinie de notre commun maître, dont vous parlez si noblement. Je vous embrasse bien tendrement. V.

Je reçois dans ce moment cette brochure sur les tremblements de terre. Je me flatte avec raison que vous nous donnerez des conjectures plus satisfaisantes.

Cette dissertation me ramène encore au tout est bien[2].


Je sais que dans nos jours consacrés aux douleurs,
Par la main du plaisir nous essuyons nos pleurs.
Mais le plaisir s’envole et passe comme une ombre ;
Nos chagrins, nos regrets, nos pertes, sont sans nombre,

  1. Magasin universel, 1838-1839, tome VI.
  2. On sait que Voltaire combat l’optimisme dans son poëme sur le tremblement de terre de Lisbonne.