conçu l’indignation qu’elle mérite. Si une telle horreur parvient jusqu’à vous, monsieur, elle excitera en vous les mêmes sentiments, et vous n’aurez pas de peine à les inspirer au public.
Je suis très-touché, monsieur, de l’affaire de l’amiral Byng : je puis vous assurer que tout ce que j’ai vu et entendu de lui est entièrement à son honneur. Après avoir fait tout ce qu’on pouvait raisonnablement attendre de lui, il ne doit pas être blâmé pour avoir souffert une défaite. Lorsque deux généraux disputent pour la victoire, quoiqu’ils soient également gens d’honneur, il faut nécessairement que l’un des deux soit battu ; et il n’y a contre M. Byng que de l’avoir été. Toute sa conduite est celle d’un habile marin, et digne d’être admirée avec justice. La force des deux flottes était au moins la même : les Anglais avaient treize vaisseaux, et nous douze, mais beaucoup mieux équipés et plus nets. La fortune, qui préside à toutes les batailles, particulièrement à celles qu’on livre sur mer, nous a été plus favorable qu’à nos adversaires, en faisant faire un plus grand effet à nos boulets dans leurs vaisseaux. Je suis convaincu, et c’est le sentiment général, que si les Anglais avaient opiniâtrement continué le combat, toute leur flotte aurait été détruite. Il ne peut y avoir d’acte plus insigne d’injustice que ce qu’on entreprend actuellement contre l’amiral Byng. Tout homme d’honneur, tout officier des armées doit prendre un intérêt particulier à cet événement.
Je ne conçois rien, madame, à l’aventure de la lettre du 3 novembre dont vous me faites l’honneur de me parler ; mais aussi je n’entends pas davantage toutes les aventures de ce bas monde. Évêques, parlements, Saxons, Prussiens, Autrichiens, Russes, tout cela me confond. Il y a douze mille ouvriers à Lyon qui mendient leur pain, parce que le roi de Prusse a dérangé le commerce de Leipsick ; et ce monarque prétend que Leipsick lui a beaucoup d’obligation. La famine menace la Saxe et la Bohème.