Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/173

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contraire d’Ajax, ils ne cherchent que la nuit pour se battre[1] ; mais laissons-les dire et faire, la raison finira par avoir raison. Malheureusement vous et moi nous n’y serons plus quand ce bonheur arrivera au genre humain. Quelqu’un qui lit le Journal de Trévoux (car pour moi je rends justice à tous ces libelles périodiques en ne les lisant jamais) me dit hier que, dans le dernier journal, vous étiez nommément et indécemment attaqué : « Ce poëte, dit-on, qui s’appelle l’ami des hommes, et qui est l’ennemi du Dieu que nous adorons. » Voilà comme ils vous habillent, et voilà ce que M.  de Malesherbes, le protecteur déclaré de toute la canaille littéraire, laisse imprimer avec approbation et privilège.

Le malheureux assassin n’a point encore parlé ; il persifle ses juges et ses gardes ; il demande la question, et je crois qu’il ne sollicitera pas longtemps. C’est un mystère d’iniquité effroyable, dont peut-être on ne saura jamais les vrais auteurs.

Votre Histoire fait beau et grand bruit, comme elle le mérite ; le chapitre[2] d’Henri IV surtiout a charmé tout le monde. J’ai reçu Imagination[3], et je vous en remercie. Adieu, mon cher et illustre confrère ; vous devriez bien nous donner quelque ouvrage digne de vous sur l’attentat commis en la personne du roi. En attendant je vous recommande, à vos moments perdus, les auteurs de la Religion vengée. Vale, et nos ama.


3299. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[4].
À Monrion, près de Lausanne, 28 janvier.

Madame, j’ai l’honneur d’envoyer à Votre Altesse sérénissime la meilleure relation[5] que j’aie reçue de l’attentat commis contre la personne de Louis XV, qui ne s’attendait pas à voir reparaître les Ravaillac. Celui-ci n’est apparemment qu’un bâtard de la maison de Ravaillac, qui s’est imaginé pouvoir tuer un roi avec un petit canif à tailler des plumes. Ce qu’il y a de vraiment déplorable dans cette aventure, c’est que ce malheureux n’a été poussé à un tel crime que pour avoir entendu des discours atroces, qui ont fait germer dans son cœur la résolution du parricide. Pierre Damiens n’était qu’un vil fanatique de la populace, comme l’ont été les assassins des princes d’Orange, du grand roi Henri IV, et tant d’autres. Son crime n’a été que le fruit de quelques discours séditieux et emportés, sans but et

  1. Iliade, chant XVII, vers 645.
  2. Aujourd’hui le chapitre clxxiv de l’Essai sur les Mœurs, tome XII, page 538.
  3. Voyez cet article, tome XIX, page 427.
  4. Éditeurs, Bavoux et François.
  5. Le n° 3285.