Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disputes. Vous êtes une divinité à laquelle on ne doit présenter que des offrandes pures et sans tache.

Il y a un petit article dans la pièce qui est entre vos mains, qui sera dans un éternel oubli. Les bruits abominables qui couraient se sont trouvés faux ; le médecin Tronchin était à Paris, dans le temps qu’on le disait à Cassel. Le public est né calomniateur ; il saisit toujours cruellement les plus légers prétextes. Ce n’est qu’à des vertus comme les vôtres qu’il rend toujours justice, et ce n’est qu’à un cœur comme le vôtre que je serai toujours attaché, madame, avec le profond respect, la reconnaissance que je dois à vôtte Altesse sérénissime,

P. S. — Pardonnez, madame, si j’ai dicté cette lettre ; je suis très-malade et très-faible ; mais les sentiments qui m’attachent avec tant de respect et de zèle à Votre Altesse sérénissime et à votre auguste maison n’en sont pas moins forts[1].


3140. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 22 mars.

Mon cher ange, vous avez raison ; il vaudrait mieux faire des tragédies que des poëmes sur les Malheurs de Lisbonne et sur la Loi naturelle. Ces deux ouvrages sont donc imprimés à Paris, pleins de lacunes et de fautes ridicules, et on est exposé à la criaillerie. Mme  de Fontaine a dû vous donner, il y a longtemps, le poëme sur la Loi naturelle. On lui a donné le titre de Religion naturelle[2], à la bonne heure ; mais il fallait l’imprimer plus correct. C’est une faible esquisse que je crayonnai pour le roi de Prusse, il y a près de trois[3] ans, précisément avant la brouillerie. La margrave

  1. MM.  Bavoux et François ont publié sous la date du 24 mars une lettre à la même, qui semble faire double emploi avec la lettre ci-dessus, et que voici : « Madame, j’apprends dans l’instant qu’on a aussi imprimé, à Paris, le Poëme sur la religion naturelle, qui était adressé à Votre Altesse sérénissime. Un de mes amis, à qui je l’avais confié, après l’avoir retouché, a jugé à propos de le donner pour faire voir qu’il vaut mieux que celui qui n’était pas sous le nom d’une princesse. Personne ne sait à quelle princesse il est dédie, et je crois qu’il faut qu’on l’ignore : ce sera un petit mystère entre la divinité et le sacrificateur. Je pense que la grande maîtresse des cœurs sera de mon avis. Je n’ai que le temps, au départ de la poste, de renouveler à Votre Altesse sérénissime mon profond respect, mon attachement, et l’envie de me voir encore à vos pieds avant de mourir. »
  2. Colini dit par erreur, dans ses Mémoires, que ce titre fut le seul donné au poëme dont il s’agit, de l’aveu de Voltaire. (Cl.)
  3. Lisez : cinq.