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Lausanne, qui prêche trois fois par semaine, je crois que les articles pourront passer pour la rareté. Je vous les envoie écrits de sa main, je n’y change rien ; je ne mets pas la main à l’encensoir.

Je vous conseille, mon illustre ami, de faire transporter sur le trésor royal de Paris votre pension de Berlin. Si les choses continuent du même train, je compte faire une pension au roi de Prusse ; mais il me semble qu’on chante trop tôt victoire.


3377. — À M. D’ALEMBERT.
Aux Délices, 8 juillet.

Voilà encore de l’érudition orientale de mon prêtre : il est infatigable. Vous avez sans doute quelque correcteur hébraïque ? Si tous les articles étaient dans ce goût, les libraires n’y trouveraient pas leur compte.

Il faut que je vous dise, mon cher et illustre philosophe, que j’ai fait la recrue d’un jésuite. Il est venu à Genève pour se faire guérir son estomac par Tronchin ; il ferait tout aussi bien de se faire guérir de la rage de son fanatisme. Ne vous ai-je pas déjà parlé de ce vieux fou ? Il s’appelle Maire[1] ; il était théologien de l’évêque de Marseille Belsunce. Je crois vous avoir déjà mandé tout cela. Dieu me pardonne ! Vous ai-je dit que ce capelan m’a donné un mandement contre les déistes, composé par lui, Maire, sous le nom de son évêque ? Vous ai-je dit avec quelle fureur il déclame contre tous ceux qui croient un Dieu ? Il attaque en cent endroits M. Diderot ; il lui reproche de croire en Dieu, avec une amertume, avec un fiel si étrange ! Il exhorte tous les Marseillais à n’y point croire. Je ne sais encore si l’absurdité de ces gens-là doit me faire pouffer de rire ou d’indignation. Rire vaut mieux ; mais il y a encore tant de sots que cela met en colère.

On prétend les affaires du roi de Prusse pires que jamais. On dit qu’il lève en Silésie ce qu’ils appellent le quatrième homme, et que ce quart des habitants ne veut pas se faire tuer pour lui ; que les officiers désertent, qu’il en a fait arquebuser quarante. Quel diable de Salomon ! Mais peut-être que tout cela n’est pas vrai. Intérim, vale.

  1. Charles-Antoine Maire, mort en 1765.