Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/24

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vous pouvez avoir la bonté de me faire parvenir un petit journal de votre expédition, je tâcherai d’en enchâsser les particularités les plus intéressantes pour le public, et les plus glorieuses pour vous, dans une espèce d’Histoire générale qui va depuis Charlemagne jusqu’à nos jours. Je voudrais que mon greffe fût celui de l’immortalité. Vous m’aiderez à l’empêcher de périr. Il est venu à mon ermitage des Délices des Anglais qui ont vu votre statue à Gênes ; ils disent qu’elle est belle et ressemblante. Je leur ai dit qu’il y avait dans Minorque un sculpteur bien supérieur. Réussissez, monseigneur ; votre gloire sera sur le marbre et dans tous les cœurs. Le mien en est rempli ; il vous est attaché avec la plus vive tendresse et le plus profond respect.

Je me flatte que vous serez bien content de M.  le duc de Fronsac. On dit qu’il sera digne de vous ; il commence de bonne heure.

Oserai-je vous demander une grâce ? Ce serait de daigner vous souvenir de moi, avec M.  le prince de Wurtemberg, qui sert, je crois, sous vos ordres, et qui m’honore des bontés les plus constantes.

Vous m’avez parlé de certaines rapsodies sur Lisbonne et sur la Religion naturelle. Vraiment vous avez bien autre chose à faire qu’à lire mes rêveries ; mais quand vous aurez quelque insomnie, elles sont bien à votre service.


3143. — À M.  BERTRAND,
à berne.
Au. Délices, 30 mars.

Vous direz, mon cher monsieur, que je suis un étourdi, et vous aurez raison. J’envoyai cette lettre à M.  de Seigneux[1] de Correvon, magistrat de Lausanne. Je mis son adresse au lieu de la vôtre. J’étais si malade que je ne savais ce que je faisais. M.  de Seigneux m’a renvoyé la lettre, sans savoir pour qui elle est. Je vous rends votre bien, c’est-à-dire mes hommages et mon cœur, qui sont certainement à vous de droit.

Vous me mandez que Mme  de Giez vous a montré ce dessus de lettre ; c’est pur zèle de sa part. Le cachet était surmonté d’un H : on disait à Lausanne que H voulait dire Haller ; mais ce n’est pas le style d’un homme si respectable. On disait qu’il y a d’autres

  1. Gabriel Seigneux, seigneur de Correvon, né à Lausanne vers la fin du xviie siècle ; auteur de quelques ouvrages utiles, mort en 1776, dans sa ville natale.