Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre char d’Assyrie, on avait alors besoin de tout. Les choses ont changé du 6 de juin au 18 ; et on croit tout gagné parce qu’on a repoussé Luc à la septième attaque. Les choses peuvent encore éprouver un nouveau changement dans huit jours, et alors le char paraîtra nécessaire ; mais jamais aucun général n’osera s’en servir, de peur du ridicule en cas de mauvais succès. Il faudrait un homme absolu, qui ne craignît point les ridicules, qui fût un peu machiniste, et qui aimât l’histoire ancienne. Mandez-moi, je vous prie, quelque chose de l’histoire moderne de vos amusements. Je vous embrasse tous de tout mon cœur, Valete.


3381. — À M.  LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[1].
Aux Délices, 19 juillet.

Mon héros, c’est à vous à juger des engins meurtriers, et ce n’est pas à moi d’en parler. Je n’avais proposé ma petite drôlerie que pour les endroits où la cavalerie peut avoir ses coudées franches, et j’imaginais que partout où un escadron peut aller de front, de petits chars peuvent aller aussi. Mais puisque le vainqueur de Mahon renvoie ma machine aux anciens rois d’Assyrie, il n’y a qu’à la mettre avec la colonne de Folard dans les archives de Babylone, J’allais partir, monseigneur ; j’allais voir mon héros ; et je m’arrangeais avec votre médecin La Virotte[2], que vous avez très-bien choisi, autant pour vous amuser que pour vous médicamenter dans l’occasion. Mme  Denis tombe malade, et même assez dangereusement. Il n’y a pas moyen de laisser toute seule une femme qui n’a que moi, au pied des Alpes, pour un héros qui a trente mille hommes de bonne compagnie auprès de lui. Je suis homme à vous aller trouver en Saxe, car j’imagine que vous allez dans ces quartiers-là. Faites, je vous en prie, le moins de mal que vous pourrez à ma très-adorée Mme  la duchesse de Gotha, si votre armée dîne sur son territoire. Si vous passiez par Francfort, Mme  Denis vous supplierait très-instamment d’avoir la bonté de lui faire envoyer les quatre oreilles de deux coquins, l’un nommé Freytag, résident sans gages du roi de Prusse à Francfort, et qui n’a jamais eu d’autres gages que ce qu’il nous a volé ; l’autre[3] est un fripon de marchand, conseiller du roi de

  1. L’autographe appartient à M.  Bérard, qui l’a fait imprimer dans la cinquième livraison de l’Isographie ; et c’est de son consentement que je donne ici cette lettre. (B.)
  2. Voyez tome XXXVII, page 561.
  3. Schmit.