Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/244

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Prusse. Tous deux eurent l’impudence d’arrêter la veuve d’un officier du roi, voyageant avec un passe-port du roi. Ces deux scélérats lui firent mettre des baïonnettes dans le ventre, et fouillèrent dans ses poches. Quatre oreilles, en vérité, ne sont pas trop pour leurs mérites.

Je crois que le roi de Prusse se défendra jusqu’à la dernière extrémité. Je souhaite que vous le preniez prisonnier, et je le souhaite pour vous et pour lui, pour son bien et pour le vôtre. Son grand défaut est de n’avoir jamais rendu justice ni aux rois qui peuvent l’accabler, ni aux généraux qui peuvent le battre. Il regardait tous les Français comme des marquis de comédie, et se donnait le ridicule de les mépriser, en se donnant celui de les copier. Il a cru avoir formé une cavalerie invincible, que son père avait négligée, et avoir perfectionné encore l’infanterie de son père, disciplinée pendant trente ans par le prince d’Anhalt. Ces avantages, avec beaucoup d’argent comptant, ont tenté un cœur ambitieux, et il a pensé que son alliance avec le roi d’Angleterre le mettrait au-dessus de tout. Souvenez-vous que, quand il fit son traité[1] et qu’il se moqua de la France, vous n’étiez point parti pour Mahon. Les Français se laissaient prendre tous leurs vaisseaux, et le gouvernement semblait se borner à la plainte. Il crut la France incapable même de ressentiment ; et je vous réponds qu’il a été bien étonné quand vous avez pris Minorque. Il faut à présent qu’il avoue qu’il s’est trompé sur bien des choses. S’il succombe, il est également capable de se tuer et de vivre en philosophe. Mais je vous assure qu’il disputera le terrain jusqu’au dernier moment. Pardonnez-moi, monseigneur, ce long verbiage. Plaignez-moi de n’être pas auprès de vous. Mme  Denis, qui est à son troisième accès d’une fièvre violente, vous renouvelle ses sentiments. Comptez que nos deux cœurs vous appartiennent.


3382. — DE M.  D’ALEMBERT,
À Paris, 21 juillet.

J’ai reçu, il y a déjà quelque temps, mon cher et très-illustre confrère, les articles Magie, Magicien, et Mages, de votre prêtre de Lausanne. J’ai en même temps envoyé votre lettre[2] à Briasson, qui m’a fait dire que vos commissions étaient déjà faites avant qu’il la reçût.

Les articles que vous nous envoyez de ce prédicateur hétérodoxe sont

  1. Avec les Anglais, du 10 janvier 1756.
  2. Elle manque à la Correspondance.