Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/268

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une réponse, vient de m’apprendre qu’il y en a une qui paraît sous vos auspices. Il m’a dit quelle est très-sage et très-modérée : cela seul me ferait croire qu’elle est votre ouvrage. Mais, soit que vous ayez fait une bonne action, soit que j’en aie l’obligation à un de nos amis, c’est toujours à vous que je dois mes remerciements, je lirai un journal pour l’amour de vous, et je ne lirai que ceux où vous aurez part. Il n’y a plus qu’une chose qui m’embarrasse. Vous savez avec quelle indignation tous les honnêtes gens de la ville voisine des Délices avaient vu l’écrit auquel vous avez daigné faire répondre. Je leur avais promis non-seulement de ne jamais combattre cet adversaire, mais d’ignorer qu’il existât. Je vais perdre toute la gloire de mon silence et de mon indifférence. On verra paraître une réfutation, on m’en croira l’auteur, ou du moins on pensera que je l’ai recherchée. On dira que c’est là le motif de mon voyage à Lausanne ; ajoutez, je vous en supplie, à votre bienfait celui de me permettre de dire que je ne l’ai point mendié. Que votre grâce soit gratuite comme celle de Dieu. Puisque la lettre est remplie, dit-on, de la modération la plus sage, n’est-il pas juste qu’on en fasse honneur à l’auteur ? Boileau se vanta, en prose et en vers[1], d’avoir eu Arnauld pour apologiste. Ne pourrai-je pas prendre la même liberté avec vous ? Je pars demain pour ma petite retraite des Délices ; j’espère que j’y trouverai vos ordres. J’ai besoin de quelque preuve qui fasse voir que je n’ai point manqué à ma parole. Une chose à laquelle je manquerai encore moins, c’est à la reconnaissance que je vous dois.

Il paraît que M.  de Paulmy n’a point perdu sa place, et que le colonel Janus[2] n’a point gagné de victoire. Les fausses nouvelles dont nous sommes inondés sont assurément le moindre mal de la guerre.

Comme j’allais cacheter ma lettre, je reçois la vôtre ; vous me mettez au fait en partie. Il y a un petit fou[3] à Genève, mais aussi il y a des gens fort sages. J’aurais bien voulu que M.  Bachy eût été votre voisin : c’est un homme fort aimable, philosophe, instruit ; on en aurait été bien content.

Il faut que je présente une requête par vos mains à M.  le banneret de Freudenreich, protecteur de mon ermitage du Chêne.

  1. Voyez l’Êpitre x (de Boileau), à mes vers ; v. 122.
  2. Attaqué par deux majors-généraux autrichiens, près de Landshut, le 14 auguste précédent, Janus, colonel au service de Frédéric II, les avait repoussés vivement. (Cl.)
  3. Vernet.