Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/351

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Quelque chose qu’il arrive, il demeurera consigné dans un livre immortel qu’il y a eu des prêtres, ou soi-disant tels, qui ont osé ne croire qu’un dieu, et encore un dieu qui pardonne, un dieu pardonneur, comme disent les Turcs.

Vous me donnez l’article Historiographe à traiter, mes chers maîtres. Je n’ai point ici la minute de l’article Histoire. Il me semble que je le fis bien vite, et que je le corrigeai encore plus vite et plus mal. Il serait nécessaire que je le revisse, afin que je ne plaçasse point au mot Historiographe ce que j’aurais mis au mot Histoire, et que je pusse mieux mesurer ces deux articles.

Si donc vous avez quinze jours devant vous, renvoyez-moi Histoire. Cela est ridicule, je le sais bien ; mais je serais plus ridicule de donner un mauvais article. Je vous renverrai le manuscrit trois jours après l’avoir reçu. Ayez la bonté de l’envoyer contre-signé à Lausanne.

Je cherche, dans les articles dont vous me chargez, à ne rien dire que de nécessaire, et je crains de n’en pas dire assez ; d’un autre côté, je crains de tomber dans la déclamation. Il me paraît qu’on vous a donné plusieurs articles remplis de ce défaut ; il me revient toujours qu’on s’en plaint beaucoup. Le lecteur ne veut qu’être instruit, et il ne l’est point du tout par ces dissertations vagues et puériles, qui, pour la plupart, renferment des paradoxes, des idées hasardées, dont le contraire est souvent vrai ; des phrases ampoulées, des exclamations qu’on sifflerait dans une académie de province, qui sont bien indignes de figurer avec tant d’articles admirables.

M.  le ministre Vernes vous a, je crois, donné l’article Humeur ; mais si vous ne l’aviez pas de sa main, je me serais proposé. Il me semble, par exemple, qu’on doit d’abord définir ce qu’on entend par ce mot ; ensuite rechercher la cause de l’humeur, faire voir qu’elle ne vient que d’un mécontentement secret, d’une tristesse dans les hommes les plus heureux, en montrer les inconvénients ; cela ne demande, à mon avis, qu’une demi-page ; mais chacun veut étendre ses articles. On oublie, comme dit Pascal, qu’on est ligne, et on se fait centre. On veut occuper une grande niche dans votre panthéon ; on ose dire je et moi dans votre Dictionnaire. Ah ! que je suis fâché de voir tant de stras avec vos beaux diamants ! Mais vous répandez votre éclat sur les stras. J’attends avec impatience le Père de famille[1]. Je salue et j’embrasse l’illustre auteur.

  1. Ce drame de Diderot, imprimé en 1758, ne fut joué au Théâtre-Français qu’en février 1761,