Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/350

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Lycas est peu discret
D’avoir dit mon secret[1].


D’Alembert est Lycas, vous autres êtes Dorine, et moi je suis tout à vous, très-tendrement.

Au reste, si quelque orthodoxe ou hétérodoxe m’accusait d’avoir la moindre part à l’article Genève, je vous supplie instamment de rendre gloire à la vérité. J’ai appris le dernier toute cette affaire. Je ne veux que le repos, et je le souhaite à tous mes confrères, moines, curés, ministres, séculiers, réguliers, trinitaires, unitaires, quakers, moraves, Turcs, Juifs, Chinois, etc., etc., etc., etc., etc.


3501. — À. M.  D’ALEMBERT.
Lausanne, 29 décembre.
(Tibi soli.)

Mon cher et courageux philosophe, je viens de lire et de relire votre excellent article Genève. Je pense que le conseil et le peuple vous doivent des remerciements solennels ; vous en méritez des prêtres mêmes ; mais ils sont assez lâches pour désavouer leurs sentiments, que vous avez manifestés, et assez insolents pour se plaindre de l’éloge que vous leur avez donné d’approcher un peu de la raison. Ils se remuent, ils aboient ; ils voudraient engager les magistrats à solliciter à la cour un désaveu de votre part ; mais assurément la cour ne se mêlera pas de ces huguenots, et vous soutiendrez noblement ce que vous avez avancé en connaissance de cause. Vernet, ce Vernet convaincu d’avoir volé des manuscrits, convaincu d’avoir supposé une lettre de feu Giannone[2] ; Vernet, qui fit imprimer à Genève les deux détestables premiers volumes de cette prétendue Histoire universelle ; Vernet, qui reçut trois livres par feuille du libraire ; Vernet, le professeur de théologie, n’a-t-il pas imprimé, dans je ne sais quel Catéchisme[3] qu’il m’a donné et que j’ai jeté au feu, n’a-t-il pas imprimé, dis-je, que la révélation peut être de quelque utilité ? n’avez-vous pas vingt fois entendu dire à tous les ministres qu’ils ne regardent pas Jésus-Christ comme Dieu ? Vous avez donc déclaré la vérité, et nous verrons s’ils auront l’audace et la bassesse de la trahir.

  1. Vers d’Alceste, opéra de Quinault, acte I, scène iv.
  2. Jacob Vernet, en 1738, avait publié des Anecdotes ecclésiastiques tirées de l’Histoire de Naples de Giannone.
  3. Instruction chrétienne, ou Catéchisme familier pour les enfants, 1741, in-12.