Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/373

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qu’on n’en pourrait trouver à Goa ; toutes ces raisons, jointes à plusieurs autres, m’obligent de renoncer pour jamais à ce maudit travail.

Rien n’est plus vrai ni plus juste que ce que vous me mandez sur l’Encyclopédie. Il est certain que plusieurs de nos travailleurs y ont mis bien des choses inutiles, et quelquefois de la déclamation ; mais il est encore plus certain que je n’ai pas été le maître que cela fut autrement. Je me flatte qu’on ne jugera pas de même de ce que plusieurs de nos auteurs et moi avons fourni pour cet ouvrage, qui vraisemblablement demeurera à la postérité comme un monument de ce que nous avons voulu et de ce que nous n’avons pu faire.

Oui, vraiment, votre disciple a repris Breslau[1], avec une armée tout entière qui était dedans, et des magasins de toute espèce. On dit même aujourd’hui que Schweidnitz s’est rendu le 30[2]. Ainsi voilà les Autrichiens hors de Silésie, et sans armée. J’ai bien peur que nous autres Français nous ne soyons aussi bientôt sans armée et sur le Rhin. Que je suis fâché que le plus grand prince de notre siècle ait contristé celui qui était si digne d’écrire son histoire ! Pour moi, comme Français et comme philosophe, je ne puis que m’afïliger de ses succès. Nos Parisiens ont aujourd’hui la tête tournée du roi de Prusse. Il y a cinq mois qu’ils le traînaient dans la boue ; et voilà les gens dont on ambitionne le suffrage !

Je n’ai point de nouvelles de notre hèrétique de Prades ; mais j’ai peine à croire, comme vous, qu’il ait trahi son bienfaiteur. Voilà un long bavardage, mon cher philosophe ; mais je cesse de vous ennuyer en vous embrassant de tout mon cœur.


3522. — À M.  DIDEROT.

Est-il bien vrai, monsieur, que tandis que vous rendez service au genre humain, et que vous l’éclairez, ceux qui se croient nés pour l’aveugler aient la permission de faire un libelle périodique[3] contre vous et contre ceux qui pensent comme vous ? Quoi ! on permet aux Garasses d’insulter les Varrons et les Plines !

Quelques ministres de Genève ont eu la rage, en dernier lieu, de vouloir justifier l’assassinat juridique de Servet : le magistrat leur a imposé silence ; les plus sages ministres ont rougi pour leurs confrères bafoués ; et il sera permis à je ne sais quels pédants jésuites d’insulter leurs maîtres !

N’êtes-vous pas tenté de déclarer que vous suspendrez l’Encydopédie jusqu’à ce qu’on vous ait fait justice ? Les Guignards ont été pendus, et les nouveaux Garasses devraient être mis au

  1. Voyez la lettre 3508.
  2. Schweidnitz ne fut pris que le 16 mars 1758.
  3. La Religion vengée, etc. ; voyez la lettre 3293.