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CORRESPONDANCE.
3579. — À M. TRONCHIN, DE LYON[1].
Lausanne, 7 mars.

C’est grand dommage, mon cher monsieur, car on comptait beaucoup sur lui[2]. On s’attend à des événements qui auraient donné un grand poids à son opinion et à ses bons offices. Tout est évanoui. Dites-moi, je vous prie, si ce triste événement ne retardera pas votre voyage à Paris. Il me semble que la confiance qu’il avait en vous peut rendre votre présence nécessaire à Lyon. Mon ami M. d’Argental n’aura-t-il d’autre part à tout cela que celle de porter le deuil ? Son oncle ne lui a-t-il rien laissé ? On dit que M. de Montferrat est son principal héritier. Je concevrais plus aisément comment on aurait favorisé Mme de Montferrat.


3580. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Lausanne, 12 mars.

Mon cher ange, je viens de lire un volume de lettres de Mlle Aïssé[3], écrites à une Mme Calendrin de Genève. Cette Circassienne était plus naïve qu’une Champenoise ; ce qui me plaît de ses lettres[4], c’est qu’elle vous aimait comme vous méritez d’être aimé. Elle parle souvent de vous comme j’en parle et comme j’en pense.

Vous dites donc que Diderot est un bon homme ; je le crois, car il est naïf. Plus il est bon homme, et plus je le plains d’être dépendant des libraires, qui ne sont point du tout bonnes gens, et d’être en proie à la rage des ennemis de la philosophie. C’est une chose pitoyable que des associés de mérite ne soient ni maîtres de leur ouvrage, ni maîtres de leurs pensées : aussi l’édifice est-il bâti moitié de marbre, moitié de boue. J’ai prié d’Alembert de vous donner les articles que j’avais ébauchés pour le huitième volume : je vous supplie de vouloir bien me les renvoyer contre-signés, ou de les donner à Jean-Robert Tronchin, qui me les apportera à son retour.

J’avais toujours cru que Diderot et d’Alembert me demandaient

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le cardinal de Tencin.
  3. Circassienne morte en 1733, que Voltaire avait connue chez M. de Ferriol, et à laquelle il adressa des vers en 1732 ; voyez, tome X les Poésies mélées,
  4. Ces lettres ont été imprimées, pour la première fois, en 1787, in-18, avec des notes de Voltaire.