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CORRESPONDANCE.

lettres qu’on lui écrit. Je suis en peine de celle dont vous me parlez. Je ne sais ce que c’est. J’écris d’abondance de cœur et de plume, et quand on parle à un ami on ne croit point parler au public. D’ailleurs, d’Adhémar est grand maître de la maison de Mme  la margrave de Baireuth. Je peux avoir écrit des choses flatteuses pour le roi son frère, qui seront mal reçues en France.

Envoyez-moi, je vous prie, copie de cette lettre qui court, et mettez-moi en repos : car c’est le repos qui est aujourd’hui mon point fixe. Je le goûte avec volupté, et je ne veux le perdre pour aucun roi du monde.

Bonsoir, je vous embrasse.

Qu’est-ce que c’est que l’abbé Aubert ?

Qu’est devenu le procès de ce Corneilles[1] qui est parent de Pertharite et non pas de Cinna ?


3589. — À MADAME DE GRAFFIGNY.
Au Délices, 22 mars.

Dieu conserve votre santé, madame ! Je vous tiens ce propos, parce que je suis revenu malade à ma retraite des Délices, et je sens que, sans la santé, on n’a ni plaisir, ni philosophie, ni idées.

Si j’étais capable de regretter Paris, je regretterais surtout de ne me pas trouver à la naissance de la Fille d’Aristide[2], et de ne pas faire ma cour à madame sa mère. Melpomène et Thalie sont donc logées dans la même maison ? Vous dites que M.  de La Touche[3] connaît les livres, et très-peu le monde ; mais c’est le connaître très-bien que de vivre avec vous. Vous lui apprendrez comme le monde est fait, et il verra en vous ce que le monde a de meilleur. Vous le peindrez tous deux : vous, madame, avec le pinceau de Ménandre, et lui, avec ceux d’Euripide, car vous voilà tous deux Grecs.

Vous avez voulu mettre un homme juste sur le théâtre ; il a fallu chercher dans l’ancienne Grèce : nous n’avons eu que Louis XIII qui ait eu ce beau surnom ; Dieu sait comme il le méritait. Ce titre de Juste fut la définition d’Aristide, et le sobriquet de Louis XIII.

  1. François Corneille, père de Marie Corneille, intentait un procès à Mme  Geoffrin, à qui Fontenelle avait légué toute sa fortune.
  2. Comédie de Mme  de Graffigny, représentée le 29 avril 1758.
  3. Guimond de La Touche (Claude), né en 1723, mort le 14 février 1760 ; auteur l’Iphigénie en Tauride.