Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/71

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imprimées. Songez que je vous demande si vous en avez quelques-unes. Songez qu’alors il devrait attendre, et faire à loisir une édition complète à laquelle vous présideriez. En ce cas, vous devriez venir aux Délices, et vous ne vous en repentiriez pas. Vous seriez en quatre jours à Lyon : je vous adresserais à M.  Tronchin, le banquier, qui vous fournirait une voiture, et nous causerions. Il y a une Histoire générale qui pourrait mériter vos soins, etc.

Je vous répète, mon cher et ancien ami, que je sais, à n’en pouvoir douter, que La Beaumelle est l’auteur du Citoyen de Montmartre, et qu’il l’avait communiqué à Fréron.

Vous avouez donc enfin que cet homme[1], qui cherchait à imiter Tacite, n’a imiter que Gacon. Plus vous avez avancé dans la lecture de ses infâmes rapsodies, plus vous avez dû être indigné. On n’a jamais écrit plus insolemment tant de mensonges et ces mensonges sont d’autant plus dangereux qu’ils sont souvent mêlés avec la vérité. Un mot de Mme  de Maintenon lui sert de canevas pour cent impostures. On a mis au pilori des hommes bien moins coupables.

J’ai lu les Mémoires de Dangeau dont vous me parlez ; il n’y a pas quatre pages à extraire. J’ai beaucoup retouché le Siècle de Louis XIV ; il terminera l’Histoire générale. J’espère qu’un jour je ferai aimer la vérité.

Je vous embrasse.


3191. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
Aux Délices, près de Genève, 26 juin.

Madame, il y a donc des malheurs aussi pour Votre Altesse sérénissime ? et il faut que les vertus les plus nobles et les plus pures éprouvent, comme les autres, le sort de l’humanité ! Votre résignation à la Providence, madame, est bien exercée dans la perte d’un fils aîné ; mais aussi les mêmes vertus qui sont éprouvées dans la douleur de cette perte sont récompensées par les princes qui vous restent. Vous voyez, madame, votre consolation devant vos yeux, en voyant votre perte. Votre Altesse sérénissime doit, pour surcroît d’affliction, être accablée de lettres ; je lui demande pardon d’augmenter le nombre de ceux qui l’affligent en la voulant consoler. Mais comment pourrais-je ne pas écouter

  1. La Beaumelle.
  2. Éditeurs, Bavoux et François.