Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/102

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l’année 1760, nous recevrons encore de vous un petit mot qui nous fera grand plaisir.

Monsieur le Vitruve d’Hornoy[1], je ne vous conseille pas de faire à votre château un aussi maudit escalier que vous en avez fait à celui de Tournay. Nous verrons comment vous aurez ajusté les appartements de votre aile. Je n’oublierai point les offres que vous me faites d’être quelquefois à Paris mon ambassadeur auprès des puissances nommées banquiers, notaires, ou procureurs du parlement. Il faut que votre mousquetaire Daumart ait été blessé dans quelque bataille ; c’est le plus déterminé boiteux que nous ayons dans la province. Cependant il ne laisse pas de tuer, en clopinant, tous les renards et tous les cormorans qu’il rencontre.

Monsieur le capitaine de cavalerie[2], vous avez fait un cornette qui est le plus malheureux cornette du pays : non-seulement il n’a point de route, mais je ne sais pas trop par quelle route il pourra se tirer des coquins qu’il a engagés pour servir l’État. Ce sont des gens très-belliqueux, car ils jettent des pierres à tous les passants, comme faisait mon singe[3]. On a beau les mettre en prison, ils finiront par assassiner leur cher cornette sur le grand chemin.

Luc m’écrit, du 11 avril, que cette campagne-ci sera plus meurtrière que les autres. Dieu veuille qu’il se trompe ! Je crois que nous ne nous trompons pas en nous flattant que M. de Silhouette[4] fera, dans son ministère, des choses plus utiles aux hommes que Luc n’en fera de dangereuses. Adieu, ma chère nièce ; les deux ermites vous embrassent de tout leur cœur.

Je me suis arrangé avec la république de Genève pour avoir une belle terrasse de trente toises de long. Cela n’est pas bien intéressant, mais c’est un grand embellissement à nos Délices, où je voudrais bien vous revoir.

  1. Il paraît que M. d’Hornoy, fils de Mme de Fontaine, avait accompagné sa mère chez Voltaire vers le commencement de 1759. C’était son premier voyage aux Délices, à Tournay, à Ferney. Il n’était encore alors que dans sa dix-septième année. (Cl.)
  2. Le marquis de Florian.
  3. Voyez tome XXXIX, page 232.
  4. Voltaire changea bientôt d’opinion ; voyez la lettre à Chauvelin, du 11 décembre 1759.