Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/113

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repos de ma vie ; elle a été assez malheureuse. Que je vous doive d’être oublié ! Je suis un Suisse ; je veux mourir Suisse et votre obligé. V.

N. B. J’écris la lettre la plus pressante à M.  de Faventine, fermier général, et à M.  de Chalus, chargés des droits du domaine. Pourriez-vous les voir ? Mais surtout que monsieur l’intendant ne m’inquiète jamais, et que je vous en aie l’obligation. V.


3853. — À M.  LE COMTE DE CHOISEUL[1].

J’ai mandé hier, monsieur, au bonhomme Ralph[2] qu’il avait fait rire une excellence qui va dans le pays de l’ennui. Ce Lustig[3] en est tout ragaillardi. Il dit que ce qu’il désirait le plus, dans le plus sot des mondes possibles, était de réjouir un petit nombre de gens d’esprit comme vous, qui ne sont de ce siècle en aucune manière. Il prétend que, si vous voulez le faire avertir par quelque rieur de vos amis, il vous fera présenter à Strasbourg de quoi vous amuser sur la route, et de quoi jeter dans le Danube.

N’oubliez pas la spirituelle, l’éloquente, la sucrée, la romanesque, la bavarde, la précieuse, la bégueule comtesse de Bentinck[4], quand vous voudrez savoir au juste tous les rogatons de Vienne.

Si j’étais homme à me venger d’un certain Freytag, agent du roi de Prusse, ci-devant mis au pilori en Saxe, et maintenant serré à Dusseldorf, et d’un coquin de Schmidt, faux-monnayeur de Francfort, conseiller du roi de Prusse, qui me volèrent, en sauçant ma nièce dans le ruisseau, et du roi de Prusse lui-même, qui employa ces dignes agents, je pourrais aller plaidera Vienne : car c’est une chose délicieuse de se ruiner au conseil aulique pour ruiner Schmidt, et mortifier cet insolent Frédéric.

Je souhaite à Votre Excellence tous les succès dont je ne doute pas. Elle est bien persuadée de mon tendre respect.

  1. Cette lettre est postérieure de quelques semaines seulement à la publication du roman de Candide. Le comte de Choiseul (duc de Praslin le 2 novembre 1762) avait remplacé, à la fin de 1758, le comte de Stainville, son cousin, dans les fonctions d’ambassadeur à Vienne. (Cl.)
  2. Pseudonyme de Voltaire pour Candide.
  3. Mot allemand qui signifie joyeux.
  4. Voyez tome XXXVII, page 21.