Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/141

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Je ne veux point mourir sans vous avoir envoyé une ode pour Mme  de Pompadour[1]. Je veux la chanter fièrement, hardiment, sans fadeur : car je lui ai obligation. Elle est belle, elle est bienfaisante : sujet d’ode excellent. Elle a eu la bonté de recommander à M.  le duc de Choiseul un mémoire pour mes terres, terres libres comme moi, terres dont je veux conserver l’indépendance comme celle de ma façon de penser.

Je me suis fait un drôle de petit royaume dans mon vallon des Alpes ; je suis le Vieux de la Montagne[2], à cela près que je n’assassine personne. Mme  de Pompadour a favorisé ma petite souveraineté écornée. Savez-vous bien, monsieur le duc, que j’ai deux lieues de pays qui ne rapportent pas grand’chose, mais qui ne doivent rien à personne ?


Que les dieux ne m’ôtent rien,
C’est tout ce que je leur demande.


On m’a écrit que M.  de Silhouette faisait de très-bonne besogne. Il est vrai que celui-là n’a point fait de vers ; mais il a traduit Pope, et voilà pourquoi il est bon ministre. Monsieur le duc, vous avez fait de très-jolis vers, de ma connaissance ; fourrez-vous dans le ministère, vous réussirez infailliblement. Je me jette du mont Jura au pied de Mont-Rouge. Je m’occupe à ensemencer mes terres, à les rendre fécondes ; et les filles aussi, non pas en les semant[3], mais en les mariant ; je suis bon citoyen. Oh ! le roi le saura, monsieur le duc, et je vois d’ici qui lui en fera ma cour. Jouissez de votre vie charmante, et continuez vos bontés au Suisse V.


3879. — À M.  LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[4].
Aux Délices, 29 juin 1759.

Il y a longtemps, mon cher confrère en Apollon et mon président en foi et hommage, que je n’ai eu de vos nouvelles. Je vous ai envoyé plus d’un paquet et une belle procuration légalisée, et tout ce que vos bontés prescrivaient, à l’adresse du secrétaire des états de Bourgogne[5]. Je soupçonne que vous êtes

  1. Ce projet n’a pas eu de suite. (B.)
  2. Voyez tome XVII, page 441.
  3. Decroix, l’un des éditeurs de Kehl, proposait de mettre ensemençant. Bouchot a laissé semant, qu’on lit dans les éditions de Kehl.
  4. Éditeur, Th. Foisset.
  5. Jacques Varenne, père de arenne de Béost et de Varenne de Fenille. Il a