Monsieur, si je ne savais pas que votre sagesse vous fait assez mépriser les petitesses des grands pour n’en pas être susceptible, je ne serais pas surpris que vous eussiez dédaigné de répondre à la lettre que j’ai osé vous écrire, et où mon cœur vous a peint tout ce qu’il ressentait. J’étais convaincu, quand ma main vous a tracé des caractères fidèles interprètes de mes sentiments, que la noblesse des vôtres ne vous permettait pas d’être insensible à la douleur d’un malheureux, et que vous saviez essuyer des pleurs que l’infortune a fait couler : j’étais persuadé que l’on n’implore pas en vain votre bonté, que vos bras s’ouvraient facilement pour y donner un asile à l’innocence, que votre cœur enfin était encore plus grand que votre esprit. Voilà ce dont j’étais persuadé, dont je le suis encore, et ce qui m’a enhardi à vous exposer ma triste situation dans ma première lettre. Jugez à présent, monsieur, si votre silence peut ne pas m’affliger. Peut-être, hélas ! vous êtes-vous imaginé que vous me verriez payer votre amitié, vos bienfaits, par la plus noire ingratitude ; que je serais assez lâche, assez criminel, pour n’en être pas plus reconnaissant. Ah ! monsieur, n’ayez pas, si vous le voulez, égard à mes autres prières, mais ne me faites pas l’injure de soupçonner ainsi ma probité ! C’est le seul bien qui me reste ; c’est ce bien précieux que je voudrais délivrer de la contagion générale. Vos soupçons le flétriraient ; votre générosité, votre grandeur d’âme, peuvent en conserver, en relever l’éclat. Ma tendresse, mon zèle, mon respect, voilà mes seuls biens : ils sont à vous, ils y seront toujours. Quand même vous me refuseriez ce que je vous demande avec tant d’ardeur, mais que vous n’êtes pas en droit de m’accorder ; quand, dis-je, vous me le refuseriez, je serais toujours convaincu que votre vertu le permet, que des raisons qui me sont inconnues vous y engagent, et je ne soupirerais alors qu’après le bonheur de les connaître. Enfin, monsieur, quelles que soient vos bontés, faites-les savoir à un jeune homme que l’incertitude met dans l’état le plus triste, et qui ne vous en aimera pas moins quand vous ne recevriez pas les vœux qu’il vous adresse.
Peut-être, monsieur, n’avez-vous pas reçu ma première lettre. Si cela était, et que vous désirassiez la voir, vous pourriez me le dire. Voici mon adresse : À Clément fils, chez son père, procureur à Dijon, derrière les Minimes.
J’ai deux grâces à vous demander, ma chère philosophe, lesquelles ne tiennent en rien à la philosophie : la première, c’est de vouloir bien m’envoyer un second exemplaire de la Mort