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3754. — À M.  DUPONT,
avocat.
Aux Délices, 20 janvier.

Je crois, mon cher ami, que je pourrais bien résigner ma dignité de sur-arbitre, dans le procès de Goll le riche et des Goll les pauvres, contre monsieur le prince de Beaufremont. J’ai conseillé qu’on s’adressât à vous seul, et que vous finissiez cette affaire ; c’est ainsi qu’elles devraient toutes être terminées, par l’arbitrage d’un jurisconsulte éclairé, et non par des procédures infinies, qui fatiguent les juges, et qui les obligent à juger au hasard.

Je crois qu’heureusement le sot livre du sot moine, non moins fripon que sot, aura trouvé peu de lecteurs ; ce n’était pas au procureur général de se plaindre, c’était à son libraire ; vous n’avez pas mal fait d’intimider un peu le maroufle.

J’ai ici quelquefois votre ancien confrère Adam[1] : ce n’est pas le premier homme du monde ; mais il me semble que c’est un assez bon diable. Ne vous ai-je pas dit qu’il est, lui troisième, dans une terre de six à sept mille livres de rente, dont les jésuites ont dépouillé les possesseurs[2], qui se damnaient visiblement en abusant de leurs richesses ? Ne vous ai-je pas dit que je suis leur voisin, et que j’ai acheté deux terres auprès des Délices ? Je voudrais vous y tenir entre les jésuites et les huguenots ;


Tros Rutulusve fuat, nullo discrimine habebis.

(Virg.,. Ænid., lib. x, v. 108.)

Voulez-vous bien présenter mes respects à M.  et à Mme  de Klinglin ? Comment se portent Mme  Dupont et toute votre jolie petite famille ? Tuus semper. V.

  1. Il existe entre les mains de M.  Bulan, négociant à Amiens, trois lettres du Père Adam adressées à M.  Coste, médecin de l’hôpital militaire de Nancy, en 1769, 1773 et 1775, pour le remercier d’avoir sauvé la vie à une nièce qu’il aimait, et pour lui faire obtenir son acte de naissance, afin d’avoir part à l’augmentation de pension accordée aux jésuites âgés de plus de soixante ans. Il parait, d’après cette correspondance, que le Père Adam était né en 1705. Elle indique encore l’inquiétude que lui donnait la santé de Voltaire, et la manière dont il parle du philosophe est loin de prouver qu’il ait été ingrat envers son bienfaiteur. (Note de M.  de Cayrol.)
  2. MM.  Desprez de Crassy ; voyez la lettre du 15 janvier 1761, à Thieriot.