Partez-vous bientôt, ma chère nièce, pour votre royaume d’Hornoy, et abandonnez-vous cette ville de Paris, qui n’est bonne que pour Messieurs du parlement, les filles de joie, et l’Opéra-Comique ? Êtes-vous bien lasse de cette malheureuse inutilité dans laquelle on passe sa vie, de ces visites insipides, et du vide qu’on sent dans son âme après avoir passé sa journée à faire des riens et à entendre des sottises ? Comptez que vous aurez beaucoup plus de plaisir à gouverner votre Hornoy et à l’embellir qu’à courir après les fantômes de Paris. Tout ce que j’apprends de ce pays-là fait aimer la retraite.
Luc m’écrit toujours, mais il ne m’écrit que pour me montrer qu’il a de l’esprit, et pour me dire qu’il ne craint rien. Il prétend que nous n’aurons jamais ni honneur ni profit dans la belle guerre que nous faisons : j’ai grand’peur qu’il n’ait raison. J’embrasse tendrement M. de Florian et monsieur votre fils, etc.
Sire, un petit moine de Saint-Just disait à Charles-Quint : « Sacrée Majesté, n’êtes-vous pas lasse d’avoir troublé le monde ? Faut-il encore désoler un pauvre moine dans sa cellule ? » Je suis le moine, mais vous n’avez pas encore renoncé aux grandeurs et aux misères humaines comme Charles-Quint. Quelle cruauté avez-vous de me dire que je calomnie Maupertuis, quand je vous dis que le bruit a couru qu’après sa mort on avait trouvé les Œuvres du philosophe de Sans-Souci dans sa cassette ? Si, en effet, on les y avait trouvées, cela ne prouverait-il pas au contraire qu’il les avait gardées fidèlement, qu’il ne les avait communiquées à personne, et qu’un libraire en aurait abusé ? ce qui aurait disculpé des personnes qu’on a peut-être injustement accusées. Suis-je d’ailleurs obligé de savoir que Maupertuis vous les avait renvoyées ? Quel intérêt ai-je à parler mal de lui ? Que m’importent sa personne et sa mémoire ? en quoi ai-je pu lui faire tort en disant à Votre Majesté qu’il avait gardé fidèlement votre
- ↑ Réponse à la lettre 4084.