Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/417

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Il me prend parfois des fureurs de venir vous voir ; mais il faut se contenir ; il faut marcher toujours sur la même ligne.


Paris, que veux-tu de moi ?
Mon cœur n’est pas fait pour toi.


Il est fait pour vous, mon cher ange.


4143. — À M.  PALISSOT.
Aux Délices, 4 juin.

Je vous remercie, monsieur, de votre lettre[1] et de votre ouvrage ; ayez la bonté de vous préparer à une réponse longue : les vieillards aiment un peu à babiller.

Je commence par vous dire que je tiens votre pièce pour bien écrite ; je conçois même que Crispin philosophe, marchant à quatre pattes[2], a dû faire beaucoup rire, et je crois que mon ami Jean-Jacques en rira tout le premier. Cela est gai ; cela n’est point méchant ; et d’ailleurs le citoyen de Genève, étant coupable de lèse-comédie, il est tout naturel que la comédie le lui rende[3].

Il n’en est pas de même des citoyens de Paris que vous avez mis sur le théâtre ; il n’y a pas là certainement de quoi rire. Je conçois très-bien qu’on donne des ridicules à ceux qui veulent bien nous en donner ; je veux qu’on se défende, et je sens par moi-même que, si je n’étais pas si vieux, MM.  Féron et de Pompignan auraient affaire à moi : le premier, pour m’avoir vilipendé cinq ou six ans de suite, à ce que m’ont assuré des gens qui lisent les brochures ; l’autre, pour m’avoir désigné en pleine Académie comme un radoteur qui a farci l’histoire de fausses anecdotes. J’ai été tenté de le mortifier par une bonne justification, et de faire voir que l’anecdote de l’Homme au masque de fer, celle du testament du roi d’Espagne Charles II, et autres semblables, sont très-vraies, et que, quand je me mêle d’être sérieux, je laisse là les fictions poétiques.

J’ai encore la vanité de croire avoir été désigné dans la foule de ces pauvres philosophes qui ne cessent de conjurer contre l’État, et qui certainement sont cause de tous les malheurs qui nous arri-

  1. La lettre de Palissot est du 28 mai ; voyez la note 1 de la page précédente.
  2. Acte III, scène ix.
  3. Dans une note sur ce passage, Palissot proteste contre l’imputation d’avoir désigné J.-J. Rousseau par le Crispin de la comédie des Philosophes.