Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/433

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M. Formey, n’a pu lui venir que de vous, ce qui n’est pas vraisemblable, ou d’une des trois personnes que je viens de nommer. Enfin il est très-sûr que les deux dames sont incapables d’une pareille infidélité. Je n’en puis savoir davantage de ma retraite ; vous avez des correspondances au moyen desquelles il vous serait aisé, si la chose en valait la peine, de remonter à la source et de vérifier le fait.

Dans la même lettre M. l’abbé Trublet me marque qu’il tient la feuille en réserve, et ne la prêtera point sans mon consentement, qu’assurément je ne donnerai pas ; mais cet exemplaire peut n’être pas le seul à Paris. Je souhaite, monsieur, que cette lettre n’y soit pas imprimée, et je ferai de mon mieux pour cela. Mais si je ne pouvais éviter qu’elle le fût, et qu’instruit à temps je pusse avoir la préférence, alors je n’hésiterais pas à la faire imprimer moi-même. Cela me paraît juste et naturel.

Quant à votre réponse à la même lettre, elle n’a été communiquée à personne, et vous pouvez compter qu’elle ne sera point imprimée sans votre aveu, qu’assurément je n’aurai pas l’indiscrétion de vous demander, sachant bien que ce qu’un homme écrit à un autre, il ne l’écrit pas au public. Mais si vous en vouliez faire une pour être publiée, et me l’adresser, je vous promets de la joindre fidèlement à ma lettre, et de n’y pas répliquer un seul mot.

Je ne vous aime point, monsieur ; vous m’avez fait les maux qui pouvaient m’être les plus sensibles, à moi votre disciple et votre enthousiaste. Vous avez perdu Genève pour le prix de l’asile que vous y avez reçu ; vous avez aliéné de moi mes concitoyens pour le prix des applaudissements que je vous ai prodigués parmi eux. C’est vous qui me rendez le séjour de mon pays insupportable ; c’est vous qui me ferez mourir en terre étrangère, privé de toutes les consolations des mourants, et jeté pour tout honneur dans une voirie, tandis que tous les honneurs qu’un homme peut attendre vous accompagneront dans mon pays. Je vous hais enfin, puisque vous l’avez voulu ; mais je vous hais en homme encore plus digne de vous aimer si vous l’aviez voulu. De tous les sentiments dont mon cœur était pénétré pour vous, il n’y reste que l’admiration qu’on ne peut refuser à votre beau génie, et l’amour de vos écrits. Si je ne puis honorer en vous que vos talents, ce n’est pas ma faute ; je ne manquerai jamais au respect que je leur dois, ni aux procédés que ce respect exige. Adieu, monsieur.


4154. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, 19 juin.

Vous devez, encore une fois, mon cher et ancien ami, avoir reçu ma réponse et mes remerciements, et la liste de mes besoins, par M. Darboulin, à qui je l’ai recommandée.

M. d’Alembert suppose toujours que j’ai tout vu ; c’est une règle de fausse position. Je n’ai rien vu ; je n’ai point le Mémoire