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11° Tout mis en balance, le meilleur parti est toujours de finir par la phrase académique, Je m’en f… ; c’est aussi ce que je fais de tout mon cœur. Les sottises des hommes méritent qu’on en rie, et non pas qu’on s’en fâche.

Adieu, mon cher et grand philosophe ; j’attends votre catéchisme newtonien[1], et je ne vous ferai pas attendre des que je l’aurai.


4153. — DE J.-J. ROUSSEAU.
À Montmorency, le 17 juin.

Je ne pensais pas, monsieur, me retrouver jamais en correspondance avec vous. Mais, apprenant que la lettre[2] que je vous écrivis en 1756 a été imprimée à Berlin, je dois vous rendre compte de ma conduite à cet égard, et je remplirai ce devoir avec vérité et simplicité.

Cette lettre, vous ayant été réellement adressée, n’était point destinée à l’impression. Je la communiquai sous condition à trois personnes à qui les droits de l’amitié ne me permettaient pas de rien refuser de semblable, et à qui les mêmes droits permettaient encore moins d’abuser de leur dépôt, en violant leur promesse. Ces trois personnes sont : Mme de Chenonceaux, belle-fille de Mme Dupin ; Mme la comtesse d’Houdetot, et un Allemand nommé Grimm[3]. Mme de Chenonceaux souhaitait que cette lettre fût imprimée, et me demanda mon consentement pour cela. Je lui dis qu’il dépendait du vôtre. Il vous fut demandé ; vous le refusâtes, et il n’en fut plus question.

Cependant M. l’abbé Trublet, avec qui je n’ai nulle espèce de liaison, vient de m’écrire par une attention pleine d’honnêteté que, ayant reçu les feuilles d’un journal de M. Formey, il y avait lu cette même lettre avec un avis dans lequel l’éditeur dit, sous la date du 23 octobre 1759, « qu’il l’a trouvée il y a quelques semaines chez les libraires de Berlin, et que comme c’est une de ces feuilles volantes qui disparaissent bientôt sans retour, il a cru lui devoir donner place dans son journal ».

Voilà, monsieur, tout ce que j’en sais. Il est très-sûr que jusqu’ici l’on n’avait pas même ouï parler à Paris de cette lettre ; il est très-sûr que l’exemplaire, soit manuscrit, soit imprimé, tombé dans les mains de

  1. Nous ne savons quel est l’ouvrage de Voltaire que veut désigner d’Alembert. Ce ne peut être une nouvelle édition des Éléments de la philosophie de Newton, auxquels Voltaire ne toucha plus depuis 1756. Il s’agit peut-être de quelque pamphlet tel que les Dialogues chrétiens, qui parurent un peu plus tard (voyez tome XXIV. page 129).
  2. Celle du 18 août 1756, à laquelle Voltaire répondit le 12 septembre suivant. — Voltaire n’avait pas écrit à Rousseau depuis le 12 septembre 1756 ; mais, en 1759, il lui avait fait proposer une maison de campagne située près de Ferney, et appelée l’Ermitage ; il ne devait donc guère s’attendre à recevoir de lui une lettre comme celle ci-dessus. Voltaire ne répondit pas à Rousseau. S’il fut d’abord irrité de cette incartade, il finit par s’en moquer ; et c’est ainsi qu’il en parle dans sa lettre du 24 octobre 1766, à Hume. (Cl.)
  3. Voyez plus bas la lettre 4186.