Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/438

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répondu les mêmes choses que je vous écris. Le style de la pièce est bon ; mais le sujet de la pièce est horrible ; il représente les plus honnêtes gens du monde enseignant à voler dans la poche. Voilà précisément ce que je lui ai mandé.

Oui, madame, la maison en question est très-près des Délices ; mais vous en êtes bien loin. Je n’ai pas plus de foi aux dames qui disent qu’elles quitteront Paris qu’à celles qui prétendent quitter l’amour. On ne peut venir dans l’enceinte de nos montagnes que par un coup de la grâce ; je suis converti ; mais je ne me flatte pas de faire des conversions. Il faut avoir furieusement compté avec soi-même pour se vouer à la retraite. Tout ce que je peux faire, madame, c’est de prier Dieu pour vous. Puisse-t-il vous inspirer autant de haine pour les sottises de Paris que vous m’inspirez d’estime pour votre mérite !


4159. — À M.  LE BARON DE MONTHON[1].
20 juin.

Monsieur, puisque vous me mettez des Monsieur en sentinelle, je vous en mettrai aussi ; mais je vous dirai que j’ai plus besoin d’avoine que de traducteurs. J’obéirai à vos ordres, et les Cramer ne manqueront pas de vous adresser un exemplaire de l’Histoire de Pierre le Grand dès qu’elle sera prête à paraître. Ces détails les regardent uniquement. Je leur ai abandonné sans réserve tout le profit de mes ouvrages : ils font mon amusement ; je souhaite qu’ils fassent l’avantage de ceux à qui j’en fais présent. Je leur recommanderai de prendre, pour la traduction, les arrangements que vous ou vos amis, monsieur, vous voudrez bien prescrire.

Je ne sais si j’engraisse mes libraires, mais mes chevaux sont bien maigres ; et comme j’ai beaucoup plus de chevaux que d’imprimeurs, je vous demande instamment votre protection pour une vingtaine de coupes d’avoine, en attendant que vos belles récoltes passent dans mes greniers. Si Dieu me prête vie, vous ne débourserez pas un sou pour me payer mes douze mille francs. Je me suis brouillé avec les bœufs ; ils marchent trop lentement ; cela ne convient point à ma vivacité. Ils sont toujours malades ; je veux des gens qui labourent vite et qui se portent bien.

Mille respects à Mme  la baronne de Monthon.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — N’est-ce-pas Montyon qu’il faut lire. (G. A.)