Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/445

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Voulez-vous à présent que je vous dise librement ma pensée ? Voilà votre pièce jouée : elle est bien écrite, elle a réussi ; il y aurait une autre sorte de gloire à acquérir : ce serait d’insérer dans tous les journaux une déclaration bien mesurée, dans laquelle vous avoueriez que, n’ayant pas en votre possession le Dictionnaire encyclopédique, vous avez été trompé par les extraits infidèles qu’on vous en a donnés ; que vous vous êtes élevé avec raison contre une morale pernicieuse ; mais que, depuis, ayant vérifié les passages dans lesquels on vous avait dit que cette morale était contenue ; ayant lu attentivement cette préface de l’Encyclopédie, qui est un chef-d’œuvre, et plusieurs articles dignes de cette préface, vous vous faites un plaisir et un devoir de rendre au travail immense de leurs auteurs, à la morale sublime répandue dans leurs ouvrages, à la pureté de leurs mœurs, toute la justice qu’ils méritent. Il me semble que cette démarche ne serait point une rétractation (puisque c’est à ceux qui vous ont trompé à se rétracter) ; elle vous ferait beaucoup d’honneur, et terminerait très-heureusement une très-triste querelle.

Voilà mon avis, bon ou mauvais ; après quoi je ne me mêlerai en aucune façon de cette affaire : elle m’attriste, et je veux finir gaiement ma vie. Je veux rire ; je suis vieux et malade, et je tiens la gaieté un remède plus sûr que les ordonnances de mon cher et estimable Tronchin. Je me moquerai tant que je pourrai des gens qui se sont moqués de moi ; cela me réjouit, et ne fait nul mal. Un Français qui n’est pas gai est un homme hors de son élément. Vous faites des comédies, soyez donc joyeux, et ne faites point de l’amusement du théâtre un procès criminel. Vous êtes actuellement à votre aise ; réjouissez-vous, il n’y a que cela de bon.


Si quid novisti rectius istis,
Candidus imperti ; si non, his utere mecum.

(Hor., lib. I, ep. vi, v. 67.)

E per fine, sans compliment, votre très-humble, etc.


4164. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 23 juin.

Mon divin ange, M.  le duc de Choiseul m’a mandé qu’il avait vu le Pauvre Diable. Vous devez l’avoir chez vous ; mais en voici, je crois, une meilleure édition, que la cousine Catherine Vadé m’a envoyée, et que je remets dans vos mains pour vous amuser,