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se pouvait : les noms de saints font toujours un très-bon effet en vers. Je ne sais si l’abbé Trublet est de cet avis.

Nous avons ici une espèce de plaisant qui serait très-capable de faire une façon de Secchia rapita, et de peindre les ennemis de la raison dans tout l’excès de leur impertinence. Peut-être mon plaisant fera-t-il un poëme gai et amusant sur un sujet qui ne le paraît guère. La Dunciade de Pope me paraît un sujet manqué.

Il est important encore de savoir le nom du libraire qui imprime le Journal de Trévoux, le Journal chrétien, ou tels autres rogatons ; si ce libraire a femme, ou fille, ou petit garçon, car il faut de l’amour et de l’intérêt dans le poëme ; sans quoi, point de salut. En un mot, mon plaisant veut rire et faire rire, et mon plaisant a raison, car on commence à se lasser des injures sérieuses ; mais gardez le secret à mon plaisant. Intérim, I am with all my heart yours.


4177. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
9 juillet.

Mon divin ange, je crois que la plaisanterie ne finira pas. On dit qu’il la faut courte ; mais celle-ci m’amusera longtemps, à moins qu’elle ne vous ennuie.

Il me vient une idée que vous savez sans doute. Il faut, en dépit des dévots, mettre Diderot de l’Académie. Mettez-vous à la tête de la cabale, nous aurons pour nous tous les philosophes. M.  de Choiseul, Mme  de Pompadour, ne s’opposeront pas à son élection ; je me flatte même qu’ils nous aideront. Quelle belle réponse ce serait à l’infamie de Palissot ! Entreprenez cette affaire, et réussissez ; je serai au comble de la joie. La chose ne me paraît pas difficile, et, si elle l’est, c’est une nouvelle raison pour l’entreprendre.

N. B. Dans l’Écossaise, page 25, quand le chevalier Monrose sort, et qu’avant de finir la scène troisième il demande, à part, à Fabrice si milord Falbrige est à Londres, et qu’il demande au maître du café si ce lord vient souvent dans la maison, le cafetier répond : Il y vient quelquefois ; il doit répondre : Il y venait avant son voyage d’Espagne[1].

Cette petite particularité est nécessaire : 1° pour faire voir que Monrose ne vient pas sans raison se loger dans ce café-là ; 2° qu’il

  1. Nous avons suivi le texte donné ici par Voltaire ; voyez tome V, page 426.