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4194. — À M. THIERIOT.
18 juillet.

Notre cher correspondant, notre ancien ami, est prié de vouloir bien faire parvenir au sieur Corbi[1] la lettre ci-jointe de Gabriel Cramer. Il paraît qu’il est de l’avantage des Cramer et des Corbi de s’entendre, et de faire conjointement une belle édition qui leur sera utile, au lieu d’en faire deux, et de s’exposer à en être pour leurs frais.

Si j’avais le noble orgueil de M. Lefranc de Pompignan, mon amour-propre trouverait son compte à voir deux libraires disputer à qui fera la plus belle édition de mes sottises en vers et en prose ; mais je ne veux pas hasarder de leur faire tort pour jouir du vain plaisir de me voir orné de vignettes et de culs[2]-de-lampe, avec une grande marge.

Je crois que vous pouvez, mon cher ami, concilier Cramer et CGorbi ; il est bon de mettre la paix entre les libraires, puisqu’on ne peut la mettre entre les auteurs.

Il ne vient de Paris que des bêtises. Lefranc de Pompignan et Fréron se sont imaginé que je suis l’auteur des Si et des Pourquoi ; et vous savez qu’ils se trompent[3]. On s’imagine encore que l’auteur de la Henriade ne peut pas revenir voir Henri IV sur le Pont-Neuf, et rien n’est plus faux ; mais il préfère ses terres au Pont-Neuf, et à tous les ouvrages du Pont-Neuf, dont Paris est inondé.

Ayez la charité de dire à Protagoras[4] ce qui suit :

Protagoras fait ou laisse imprimer dans le Journal encyclopédique des fragments de l’Épitre[5] du roi de Prusse à Protagoras ; et il dit, dans sa lettre aux auteurs du Journal, qu’il n’a jamais donné de copie de cette épître du Salomon du Nord. Cependant Protagoras avait envoyé copie des vers du Salomon du Nord à Hippophile-Boargelat[6], à Lyon. Il est très-bon que les vers du Salomon du Nord soient connus, et qu’on voie combien un roi éclairé protège les sciences, quand maître Joly de Fleury les persécute

  1. Voyez tome XXXVIII, page 381.
  2. Voyez le Dictionnaire philosophique au mot Cul.
  3. Les Si et les Pourquoi sont de Morellet.
  4. D’Alembert.
  5. Le cahier du Journal encyclopédique du 15 avril 1760 contient en effet des fragments de cette épître, dont nous avons donné le titre dans une note de la lettre 4112.
  6. Claude Bourgelat, avec lequel Voltaire fut en correspondance, était connu par ses Éléments d’Hippiatrique, publiés à Lyon, sa ville natale. (Cl.)