manche ou ailleurs, et je réponds du succès. On s’est déjà ameuté sur mes pressantes sollicitations. Travaillez sous terre, tous tant que vous êtes. Ne perdez pas un moment ; ne négligez rien. Vous porterez à l’infâme un coup mortel, et je vous donne ma parole d’honneur de venir à l’Académie le jour de l’élection. Je suis vieux ; je veux mourir au lit d’honneur.
Ma belle philosophe, voici une autre histoire, une autre négociation. N’est-ce pas M. Faventines[1] qui a le département du domaine ? M. d’Épinai ne peut-il pas, quand il rencontrera ce terrible Faventines au conseil des fermes, lui dire : « Monsieur, ne savez-vous rien de nouveau sur le pays de Gex ? Ne vous a-t-on rien dit touchant certains arrangements avec le roi ? N’a-t-il rien transpiré ? » Alors M. Faventines dira oui ou non ; et ce oui ou ce non, vos belles mains me l’écriront.
Mais qu’il entre, qu’il entre, qu’il entre à l’Académie. J’ai cela dans la tête, voyez-vous ! Ma belle philosophe, je vous ai dans mon cœur ; il est vieux, mon cœur, mais il rajeunit quand il pense à vous. Qu’il entre, vous dis-je ; tel est mon avis, et qu’on ruine Carthage, disait Caton, qui n’était pas si vieux que moi.
Ô belle philosophe ! ô Habacuc ! je vous salue en Belzébuth.
À peine eus-je écrit à l’ancien ami pour avoir des nouvelles, que Dieu m’exauça, et je reçus sa lettre du 30 juillet, dans laquelle il me parlait de la libération de l’abbé Mords-les, et de l’Ecossaise, et de Catherine Vadè, et d’Alethof, etc. M. d’Argental est celui qui a le plus contribué[2] à nous rendre notre Mords-les. J’ai écrit tous les jours de poste, j’ai toujours été la mouche du coche ; mais je bourdonne de si loin qu’à peine m’entend-on.
Oui, j’ai mon Moïse complet. Il a fait le Pentateuque comme vous et moi ; mais qu’importe ? ce livre est cent fois plus amusant qu’Homère, et je le relis sans cesse avec un ébahissement nouveau.
Vous auriez bien dû cependant m’envoyer l’édition de mon
- ↑ Fermier général, comme le mari de Mme d’Epinai.
- ↑ J.-J. Rousseau y avait contribué aussi par la duchesse de Luxembourg ; mais il paraît que l’accélération de la mise en liberté de Morellet (le 30 juillet) fut due particulièrement à un de ses cousins, ancien camarade de collège du lieutenant général de police de Sartine. — Voyez l’Histoire de la détention des Philosophes, par J. Delort, tome II, page 336.