l’infatigable Luc ? Cet infatigable me mande[1] pourtant qu’il est bien fatigué. On parle d’une bataille très-sanglante[2], et je n’en aurai de nouvelles sûres que quand la poste de France sera partie. Si Luc a perdu quinze mille hommes, comme on le dit, il est perdu lui-même ; il ne lui restera bientôt que Magdebourg, qui ne tiendra pas longtemps ; mais alors qu’arrivera-t-il ? Je lui pardonnerai peut-être s’il vient à Neufchâtel, et de Neufchâtel aux Délices ; mais je ne pardonnerai jamais à Omer Joly de Fleury. Non, vous n’êtes point assez indignés de l’impertinent discours que ce pauvre homme prononça contre les philosophes[3], en parlement.
Comment trouvez-vous, s’il vous plaît, ma petite Épître[4] pompadourienne ? Ne suis-je pas un grand politique ? et cette politique n’est-elle pas très-désinvolte ? ne suis-je pas bien fier ? est-ce là une Triste d’Ovide ? ai-je l’air d’un exilé[5] ? ai-je la bassesse de demander des grâces ? ne suis-je pas digne de votre amitié ? Mille respects tous fort tendres.
Les sentiments que vous avez la bonté de me témoigner, monsieur, me font un grand plaisir ; ils partent d’un cœur pénétré qui aime les arts véritablement, et qui pardonne à mes défauts, en faveur de ces arts que j’ai toujours cultivés. Ils ont fait la consolation de ma vie ; ils en font plus que jamais le charme, puisqu’ils m’attirent des témoignages si vrais de votre sensibilité. Il paraît que vous détestez les cabales infâmes des Fréron ; on ne peut aimer les lettres sans haïr ceux qui les déshonorent ; je suis très-flatté d’être estimé d’un homme qui m’inspire de l’estime.
C’est avec ce sentiment que j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.