Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/548

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l’infatigable Luc ? Cet infatigable me mande[1] pourtant qu’il est bien fatigué. On parle d’une bataille très-sanglante[2], et je n’en aurai de nouvelles sûres que quand la poste de France sera partie. Si Luc a perdu quinze mille hommes, comme on le dit, il est perdu lui-même ; il ne lui restera bientôt que Magdebourg, qui ne tiendra pas longtemps ; mais alors qu’arrivera-t-il ? Je lui pardonnerai peut-être s’il vient à Neufchâtel, et de Neufchâtel aux Délices ; mais je ne pardonnerai jamais à Omer Joly de Fleury. Non, vous n’êtes point assez indignés de l’impertinent discours que ce pauvre homme prononça contre les philosophes[3], en parlement.

Comment trouvez-vous, s’il vous plaît, ma petite Épître[4] pompadourienne ? Ne suis-je pas un grand politique ? et cette politique n’est-elle pas très-désinvolte ? ne suis-je pas bien fier ? est-ce là une Triste d’Ovide ? ai-je l’air d’un exilé[5] ? ai-je la bassesse de demander des grâces ? ne suis-je pas digne de votre amitié ? Mille respects tous fort tendres.


4257. — À M.  CLOS.
À Ferney, 17 septembre.

Les sentiments que vous avez la bonté de me témoigner, monsieur, me font un grand plaisir ; ils partent d’un cœur pénétré qui aime les arts véritablement, et qui pardonne à mes défauts, en faveur de ces arts que j’ai toujours cultivés. Ils ont fait la consolation de ma vie ; ils en font plus que jamais le charme, puisqu’ils m’attirent des témoignages si vrais de votre sensibilité. Il paraît que vous détestez les cabales infâmes des Fréron ; on ne peut aimer les lettres sans haïr ceux qui les déshonorent ; je suis très-flatté d’être estimé d’un homme qui m’inspire de l’estime.

C’est avec ce sentiment que j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.

  1. Cette lettre est perdue. (B.)
  2. C’était un faux bruit.
  3. Le réquisitoire du 23 janvier 1759, contre l’Encyclopédie.
  4. L’Êpître dédicatoire de Tancrède.
  5. Voyez la lettre à Lyttelton, n° 4254.