tendre à la chose, s’il ne flotte pas entre la crainte et l’espérance, en vérité l’intérêt total diminue, et la pièce en général est bien moins touchante. J’ai écrit à Lekain sur ce troisième acte, et je lui ai montré l’excès de ma douleur.
Dans le quatrième acte, il y a beaucoup d’art à fonder, comme vous avez fait, mes divins anges, la crédulité de Tancrède. Je voudrais seulement qu’il ne dît pas qu’il a pénétré le fond de cet affreux mystère[1], mais qu’on ne l’a que trop dévoilé. Vous ne pouvez sans doute souffrir ces vers :
Dans le rapide cours des plus brillants succès,
Solamir l’eût-il fait sans être sûr de plaire[2] ?
Je tiens toujours que c’est assez que le vieux Argire ait dit à Tancrède : Elle est coupable. Un père au désespoir est le plus fort des témoignages. Mais, si vous voulez que Tancrède invente encore des raisons pour se convaincre, à la bonne heure ; il faudra faire des vers.
Au cinquième acte, c’est encore un coup de maître d’avoir rendu à la fois le récit de Catane plus vraisemblable et plus intéressant ; mais je ne peux concevoir pourquoi on a retranché :
Courez, rendez Tancrède à ma fille innocente.
Ce vers me paraît de toute nécessité.
Si
Ô jour du changement ! ô jour du désespoir !
a fait un si mauvais effet, cela prouve que Brizard a joué bien froidement ; mais, bagatelle.
Je conviens que Mlle Clairon peut faire une très-belle figure[3], en tombant aux pieds de Tancrède ; mais si vous aviez vu Mme Denis, pleurante et égarée, se relever d’entre les bras qui la soutiennent, et dire d’une voix terrible :
· · · · · · · · · · Arrêtez… vous n’êtes point mon père !