Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/574

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saire. J’ajoute à tant de doutes que j’ignore si je pourrai vous aller voir à Hornoy.

Il faut que je fasse le second volume de l’Histoire du czar, dont je vous envoie le premier, qui ne vous amusera guère ; rien de plus ennuyeux, pour une Parisienne, que des détails de la Russie. En récompense, je joins à mon paquet deux comédies.

Monsieur le grand ccuyer de Cyrus, l’histoire de la princesse de Russie est plus amusante que celle de son beau-père. Je suis au désespoir que ce soit un roman ; car je m’intéresse tendrement à Mme d’Auban[1].

Monsieur le Jurisconsulte, pensez-vous que cette princesse morte à Pétersbourg, et vivante à Bruxelles, soit en droit de reprendre son nom ? Je vous avertis que je suis pour l’affirmative, attendu que j’ai lu dans un vieux sermon que Lazare, étant ressuscité, revint à partage avec ses sœurs. Voyez ce qu’on en pense dans votre école de droit.

Pardon de ma courte lettre ; il faut répéter Mahomet et l’Orphelin de la Chine. Le duc de Villars, qui est un excellent acteur, joue avec nous en chambre, afin de ne pas compromettre sur le théâtre la dignité de gouverneur de province.

Le théâtre de Tournay sera désormais à Ferney. J’y vais construire une salle de spectacle, malgré le malheur des temps ; mais, si je me damne en faisant bâtir des théâtres, je me sauve en édifiant une église. Il faut que j’y entende la messe avec vous, après quoi nous jouerons des pièces nouvelles.


4281. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
29 septembre.

Voici, je crois, mes dernières volontés, mon adorable ange, car je n’en peux plus. N’allez pas, je vous en conjure, casser mon testament ; faites essayer ce qui a si bien réussi chez moi. Voilà les cabales un peu dissipées, voilà le temps de jouer à son aise. Les comédiens ne doivent pas rejeter mes demandes ; cela serait bien injuste, et me ferait une vraie peine. Aménaïde-Denis vous embrasse. Je me jette aux pieds de Mme Scaliger, Je crois avoir profité de son excellent mémoire. Qu’il est doux d’avoir de tels anges ! Je crois que le démon de Socrate était un ami.

  1. Voyez la lettre 4264 et le fragment de lettre du 22 janvier 1761.