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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/90

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Je suis très-aise que vous soyez aussi des nôtres, que vous donniez dans les bucoliques. Tout ce que nous avons de mieux à faire sur la terre, c’est de la cultiver ; les autres expériences de physique ne sont que jeux d’enfants en comparaison des expériences de Triptolème, de Vertumne et de Pomone ; ce sont là de grands physiciens. Notre semoir, qui épargne la moitié de la semence, est très-supérieur aux coquilles du Jardin du roi. Honneur à celui qui fertilise la terre ! Malheur au misérable, ou couronné, ou encasqué, ou tonsuré, qui la trouble !

Éclairez le monde et desséchez les marais ; il n’y aura que les grenouilles qui auront à se plaindre. J’ai voulu faire taire d’autres grenouilles qui coassaient, je ne sais pourquoi. Cette affaire impertinente est heureusement finie ; il ne fallait pas qu’elles importunassent un homme qui a six charrues à conduire, des maisons à bâtir, et qui n’a pas de temps de reste. J’en aurai toujours quand il faudra vous prouver que je vous estime, et même que je vous aime, car je veux bien que vous sachiez que vous êtes très-aimable.


3831. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Landeshut, 22 avril.

Je vous ai envoyé mes vers à ma sœur Amélie[1] comme l’esquisse d’une épître. Je n’ai ni l’esprit assez libre, ni assez de temps pour faire quelque chose de fini. Et d’ailleurs quelques inadvertances, quelques crimes de lèse-majesté contre Vaugelas ou d’Olivet, ne doivent pas vous surprendre. Le moyen d’écrire purement en Allemagne, et de ne pas commettre des fautes d’ignorance et contre l’usage, quand je vois tant de poètes français, domiciliés à Paris, dont les ouvrages en fourmillent ! Je remarque de plus qu’il faut avoir un bon critique qui vous fasse observer les fautes que l’amour-propre nous voile, qui marque les endroits faibles et défectueux. Je vois assez bien les négligences des autres, et, dans la composition, je demeure aveugle sur les miennes. Voilà comme les hommes sont faits.

Votre nouvelle strophe[2] de cette funeste ode est belle. Je passerai les petites bagatelles qui vous arrêtent. Ne dites pas que Marsyas juge Apollon, si je m’escrime avec vous de poésie.

Au lieu de du sort soutint les coups, on peut mettre affronta les coups ; et, au lieu de venir son heure fatale, approcher l’heure fatale.

J’avoue que son heure fatale vaut mieux que l’heure fatale ; c’est à vous d’en juger.

Pour l’ode, en général, elle est très-belle. Voici les difficultés qu’un

  1. Èpître à ma sœur Amélie sur le Hasard.
  2. Voyez lettre 3820.