Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/104

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la comédie, et bien jouée, et des pièces nouvelles ; vous auriez chassé, vous auriez vu frère Adam[1], qui est redevenu tout jésuite ; mais vous êtes sponsus et paterfamilias. Je ne vous plains point, parce que vous avez une femme et des enfants aimables ; mais je me plains, moi, d’être toujours loin de vous. Nous ne vous oublions ni aux Délices ni à Ferney ; nous faisons souvent commémoration de vous, Mme  Denis et moi. Savez-vous bien que, dans mes retraites, je n’ai pas un moment de loisir ; qu’il a fallu toujours bâtir, planter, écrire, faire des pièces, des théâtres, des acteurs ? Tenez, voilà les Facéties pour vous amuser, et Pierre le Grand pour vous ennuyer. Vale, amice.


4369. — À M.  HELVÉTIUS.
12 décembre.

Mon cher philosophe, il y a longtemps que je voulais vous écrire. La chose qui me manque le plus, c’est le loisir ; vous savez que ce


· · · · · · · · · · · · · · · La Serre
Volume sur volume incessamment desserre[2].


J’ai eu beaucoup de besogne. Vous êtes un grand seigneur qui affermez vos terres ; moi, je laboure moi-même, comme Cincinnatus : de façon que j’ai rarement un moment à moi.

J’ai lu une héroïde d’un disciple de Socrate[3], dans laquelle j’ai vu des vers admirables. J’en fais mon compliment à l’auteur, sans le nommer. La pièce est un peu raide. Bernard de Fontenelle n’eût jamais ni osé ni pu en faire autant. Le parti des sages ne laisse pas d’être considérable et assez fier. Je vous le répète, mes frères, si vous vous tenez tous par la main, vous donnerez la loi. Rien n’est plus méprisable que ceux qui vous jugent ; vous ne devez voir que vos disciples.

Si vous avez reçu un Pierre, ce n’est pas Simon Barjone ; ce n’est pas non plus le Pierre russe que je vous avais dépêché par la poste ; ce doit être un Pierre en feuilles que Rohin-mouton devait vous remettre. Je vous en ai envoyé deux reliés, un pour

  1. Voyez la note, tome XXVII, page 408.
  2. Ce vers est le vingtième de la parodie connue sous le titre de Chapelain décoiffé, attribuée à Boileau.
  3. Un disciple de Socrate aux Athéniens, héroïde ; à Athènes, Olymp. xcv, an I, in-8o de seize pages. On a attribué cet ouvrage à Voltaire. Barbier dit qu’il est de Marmontel ; mais il n’est dans aucune édition de ses Œuvres. (B.)