Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/108

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tion. On m’a recommandé cette infortunée ; j’ai cru qu’il convenait à un soldat de nourrir la fille de son général. Elle arrive chez moi ; elle a appris un peu à lire et à écrire d’elle-même ; on la dit aimable ; je me ferai un plaisir de lui servir de père, et de contribuer à son éducation, qu’elle seule a commencée. Si vous connaissez quelque pauvre homme qui sache lire, écrire, et qui puisse même avoir une teinture de géographie et d’histoire, qui soit du moins capable de l’apprendre, et d’enseigner le lendemain ce qu’il aura appris la veille, nous le logerons, chaufferons, blanchirons, nourrirons, abreuverons, et payerons, mais payerons très-médiocrement, car je me suis ruiné à bâtir des châteaux, des églises, et des théâtres. Voyez, avez-vous quelque pauvre ami ? vous m’avez déjà donné un Corbo dont je suis fort content. Ses gages sont médiocres, mais il est très-bien dans le château de Tournay ; son frère n’est pas mieux dans celui de Ferney. Notre savant pourrait avoir les mêmes appointements. Décidez ; bonsoir ; mille compliments à madame votre femme. Ètes-vous enfin un père heureux ? Vale, amice. V.


4375. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
16 décembre.

Je vous excède encore ; Rodogune[1] est à Lyon, chez Tronchin, entre quatre garçons. On la présentera probablement à Mme  de Grolée[2], qui ne manquera pas de lui manier les tétons, selon sa louable coutume : c’est un honneur qu’elle fait à toutes les filles et femmes qu’on lui présente. Est-il vrai que l’abbé de Latour-du-Pin[3] avait grande envie de rompre ce voyage ? Il m’est très-important de savoir ce qui en est. Dites-moi, je vous prie, madame, tout ce que vous savez de cette aventure de roman.

Je reviens au roman de Tancrède. Je vous conjure, mes anges, encore une fois, de bien recommander à Prault de suivre exactement la leçon que je lui envoie, et de n’y pas changer une virgule. C’est le placet de Caritidès ; on n’en peut rien retrancher[4]. Nous venons de jouer, ma nièce et moi, la scène du père et de la fille, au second acte :

  1. Mlle  Corneille.
  2. Tante de d’Argental.
  3. Il sollicitait une lettre de cachet pour faire enlever Mlle  Corneille de Ferney ; voyez une note sur la lettre 4320.
  4. Molière, les Fâcheux, acte III, scène ii.