Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Madame la marquise[1] est donc impitoyable, ou vous ? Je n’aurai donc pas copie de son portrait ?

Vivez heureuse et longtemps, madame ; nous vous souhaitons, ma nièce et moi, ces deux petites bagatelles de tout notre cœur.

Mille respects. V.


4416. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
À Ferney, 14 janvier.

Que monsieur et madame écrivent à eux deux des lettres aimables ! Je ne peux pas croire que des anges qui écrivent si bien aient tort sur ce Droit du Seigneur ; cependant les écailles ne sont pas encore tombées de mes yeux[2]. Mais pourquoi M. d’Argental n’écrit-il pas ? Quoi, pas un mot ! aurait-il toujours son ophthalmie ? S’il n’est que paresseux, je suis consolé. Il a un charmant secrétaire. Tenez, petite fille, voilà comme les dames écrivent à Paris. Voyez que cela est droit ; et ce style, qu’en dites-vous ? quand écrirez-vous de même, descendante de Corneille ? Cela donne de l’émulation ; elle va vite m’écrire un petit billet dans sa chambre : c’est, je vous assure, une plaisante éducation.

Je suis à vos pieds, madame, moi et la Muse limonadière[3]. Comment, du cercle de mes montagnes, pouvoir reconnaître tant de bontés ?

Voulez-vous vous amuser à lire ce chiffon[4] ? voulez-vous le lire à Mlle Clairon ? Il n’y a que vous et M. le duc de Choiseul qui en ayez. Vous m’allez dire que je deviens bien hardi et un peu méchant sur mes vieux jours. — Méchant ! non, je deviens Minos, je juge les pervers. — Mais prenez garde à vous, il y a des gens qui ne pardonnent point. — Je le sais ; et je suis comme eux. J’ai soixante-sept ans ; je vais à la messe de ma paroisse ; j’édifie mon peuple ; je bâtis une église ; j’y communie, et je m’y ferai enterrer, mort-dieu ! malgré les hypocrites. Je crois en Jésus-Christ consubstantiel à Dieu, en la vierge Marie, mère de Dieu. Lâches persécuteurs, qu’avez-vous à me dire ? — Mais vous avez fait la Pucelle. — Non, je ne l’ai pas faite ; c’est vous qui en êtes l’auteur ; c’est vous qui avez mis vos oreilles à la monture de

  1. La marquise de Pompadour.
  2. Actes des apôtres, ix, 18.
  3. Mme Bourette.
  4. L’Èpître à Daphné (Mlle Clairon) ; voyez tome X.