Vous voilà, monseigneur, comme le marquis de La Fare, qui commença à sentir son talent à peu près à votre âge, quand certains talents plus précieux étaient sur le point de baisser un peu, et de l’avertir qu’il y avait encore d’autres plaisirs.
Ses premiers vers furent pour l’amour ; les seconds, pour l’abbé de Chaulieu, Vos premiers sont pour moi, cela n’était pas juste ; mais je vous en dois plus de reconnaissance. Vous me dites que j’ai triomphé de mes ennemis : c’est vous qui faites mon triomphe.
Au pied de mes rochers, au creux de mes vallons,
Pourrais-je regretter les rives de la Seine ?
La fille de Corneille écoute mes leçons ;
Je suis chanté par un… [Turenne] :
J’ai pour moi deux grandes maisons
Chez Bellone et chez Melpomène.
À l’abri de ces deux beaux noms,
On peut mépriser les Frelons :
À contempler gaîment leur sottise et leur haine
C’est quelque chose d’être heureux ;
Mais c’est un grand plaisir de le dire à l’Envie,
De l’abattre à nos pieds, et d’en rire à ses yeux.
Qu’un souper est délicieux
Quand on brave, en mangeant, les griffes de harpie !
Que des frères Berthier les cris injurieux
Sont plaisante cérémonie !
Que c’est pour un amant un passe-temps bien doux
D’embrasser la beauté qui subjugue son âme,
Et d’affubler encor du sel d’une épigramme
Un rival factieux et jaloux !
Cela n’est pas chrétien, j’en conviens avec vous ;
Mais ces gens, le sont-ils ? Ce monde est une guerre ;
On a des ennemis en tout genre, en tous lieux :
Tout mortel combat sur la terre ;
Le diable avec Michel combattit dans les cieux ;
On cabale à la cour, à l’église, à l’armée ;
Au Parnasse on se bat pour un peu de fumée,
Pour un nom, pour du vent, et je conclus au bout
Qu’il faut jouir en paix, et se moquer de tout.
- ↑ Conforme à l’original, qui est à la Bibliothèque de l’Arsenal, mss, belles-lettres françaises, n° 132, in-f°, tome II, page 246.