Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je crois même qu’il n’y a point d’exemple, dans l’histoire de notre littérature, de ce qui vient d’arriver. Figurez-vous que deux personnes que je n’ai jamais eu l’honneur de voir, à qui je n’avais même jamais écrit, et que je n’avais point fait solliciter, ont seules commencé cette entreprise, avec un zèle sans lequel elle n’aurait jamais réussi.

L’une est Mme la duchesse de Grammont, qui l’a protégée, l’a recommandée, a fait souscrire un nombre considérable d’étrangers, et qui enfin, n’écoutant que sa générosité et sa grandeur d’âme, a fait pour Mlle Corneille tout ce qu’elle aurait fait si cette jeune héritière d’un si beau nom avait eu le bonheur d’être connue d’elle.

Je vous avoue, mon cher confrère, que les pièces du grand Corneille ne m’ont pas plus touché que cet événement. Notre autre bienfaiteur (le croiriez-vous ?) est le banquier de la cour, M. de La Borde, qui, sans me connaître, sans m’en prévenir, a procuré plus de cent souscriptions ; et c’est une chose que nous n’avons apprise ici que quand elle a été faite.

Pendant qu’on favorisait ainsi notre entreprise avec tant de générosité sans que je le susse, je prenais la liberté de faire supplier le roi, notre protecteur, de permettre que son nom fût à la tête de nos souscripteurs. Je proposais qu’il voulût bien nous encourager pour la valeur de cinquante exemplaires ; il en prenait deux cents. J’en demandais une douzaine à Son Altesse royale monseigneur l’infant duc de Parme, il a souscrit pour trente. Nos princes du sang ont presque tous souscrit, M. le duc de Choiseul s’est fait inscrire pour vingt. Mme la marquise de Pompadour, à qui je n’en avais pas même écrit, en a pris cinquante.

Monsieur son frère, douze.

Parmi nos académiciens[1], M. le comte de Clermont, M. le cardinal de Bernis, M. le maréchal de Richelieu, M. le duc de Nivernais, se sont signalés les premiers.

  1. Voici ce qu’on lisait dans le Journal encyclopédique :

    « Parmi nos académiciens, monseigneur le comte de Clermont, M. le cardinal de Bernis, M. le maréchal de Richelieu, M. le duc de Nivernais, M. Duclos, M. d’Alembert, M. Watelet, se sont signalés les premiers.

    « Plusieurs particuliers ont suivi ce noble example. Enfin direz-vous, etc. »

    Ce passage explique les remerciements contenus dans la lettre de d’Alembert, du 31 octobre. Voltaire, dans sa lettre à d’Olivet de la fin d’octobre, dit d’ajouter aux noms des académiciens souscripteurs ceux de « M. le duc de Villars, M. l’arcbevêque de Lyon, M. l’ancien évêque de Limoge ». L’addition devait se faire à l’impression, qui devait être dans le Mercure ; mais la lettre à d’Olivet n’y fut pas imprimée. (B.)