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Bayonne[1]. Quoique ces réflexions soient très-judicieuses, M.  Le-Franc de Pompignan est déterminé à priver l’univers de ses immortels écrits si l’univers et autres continuent à les trouver plats, détestables, et exécrables. C’est à l’univers à voir ce qu’il aime le mieux, il n’y a point de milieu. Moi, je sais bien ce que je préférerais : ce serait d’aller présenter à Mme  d’Épinai l’hommage de mon respect, de mon admiration, et de ma reconnaissance. Si j’ai le malheur de ne pouvoir lui porter ce tribut à la campagne, je volerai le lui offrir aussitôt que je la saurai à Paris.

J’envoie aussi des Car à notre ami de Saint-Cloud ; il faut bien le dédommager un peu de son ennui, car j’imagine qu’il réside toujours auprès des grands.


4310. — À M.  LEKAIN.
Aux Délices, 26 octobre.

Je réponds, mon cher ami, à votre lettre du 15 d’octobre. J’ai envoyé à M.  d’Argental la tragédie de Tancrède, dans laquelle vous trouverez une différence de plus de deux cents vers ; je demande instamment qu’on la rejoue suivant cette nouvelle leçon, qui me paraît remplir l’intention de tous mes amis. Il sera nécessaire que chaque acteur fasse recopier son rôle ; et il n’est pas moins nécessaire de donner incessamment au public trois ou quatre représentations avant que vous mettiez la pièce entre les mains de l’imprimeur. Ne doutez pas que, si vous tardez, cette tragédie ne soit furtivement imprimée ; il en court des copies ; on m’en a fait tenir une horriblement défigurée, et qui est la honte de la scène française. Il est de votre intérêt de prévenir une contravention qui serait très-désagréable pour vous et pour moi.

Je me flatte que vous n’êtes pas de l’avis de Mlle  Clairon, qui demande un échafaud[2] ; cela n’est bon qu’à la Grève, ou sur le théâtre anglais ; la potence et des valets de bourreau ne doivent pas déshonorer la scène de Paris. Puissions-nous imiter les Anglais dans leur marine, dans leur commerce, dans leur philosophie, mais jamais dans leurs atrocités dégoûtantes ! Mlle  Clairon n’a certainement pas besoin de cet indigne secours pour toucher et pour attendrir les cœurs.

  1. Probablement la satire intitulée la Vanité, par un frère de la doctrine chrétienne ; voyez tome X.
  2. Voyez la lettre 4297.