Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/453

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et qu’en cela on ne trompe personne, ce qui est un grand point.

Je fais mes compliments à Charles Gouju[1] ; c’est, dans le fond, un fort bon homme, et je voudrais que tout le monde pensât comme lui.

Mlle  Gaussin[2] pousse bien loin sa jeunesse. Si, à son âge, elle joue des rôles de petites filles, on peut faire des comédies au mien.

Que Dieu ait tous les frères en sa sainte et digne garde !


4676. — À M.  D’ALEMBERT.
15 septembre.

Vos très-plaisantes lettres, mon cher philosophe, égayeraient Socrate tenant en main son gobelet de ciguë, et Servet sur ses fagots verts. Vous demandez qui nous défera des Omérites ; ce sera vous, pardieu, en vous moquant d’eux tant que vous pourrez, et en les couvrant de ridicule par vos bons mots.

Notre nation ne mérite pas que vous daigniez raisonner beaucoup avec elle ; mais c’est la première nation du monde pour saisir une bonne plaisanterie, et ce qu’assurément vous ne trouverez pas à Berlin, souvenez-vous-en.

Je vous remercie de toute mon âme de l’attention que vous donnez à Pierre. Songez, s’il vous plaît, que je n’avais point son édition de 1664[3] quand j’ai commencé mon Commentaire. Soyez sûr que tout sera très-exact. Je n’oublierai pas surtout les petits persécuteurs de la littérature, quand je pourrai tomber sur eux.

J’ai déjà mandé à M. Duclos que je n’envoyais que des esquisses[4] ; mon unique but est d’avoir le sentiment de l’Académie, après quoi je marche à mon aise et d’un pas sûr.

Je n’ai pas été assez poli, je le sais bien : les compliments ne me coûteront rien ; mais, en attendant, il faut tâcher d’avoir raison. Ou mon cœur est un fou, ou j’ai la plus grande raison quand je dis que les remords de Cinna viennent trop tard ; que son rôle serait attendrissant, admirable, si le discours d’Auguste, au second acte, le touchait tout d’un coup du noble repentir

  1. Voyez tome XXIV, page 255.
  2. Elle avait cinquante ans.
  3. 1663-64, deux volumes in-folio.
  4. Voyez page 440.