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pour lui et pour moi. Il est dur de plaider contre lui, et il est trite qu’il plaide. Il ne doit qu’apaiser les différends, et non en avoir. Celui-ci est d’une nature bien étrange ; je crois lui rendre un très-grand service en prenant la liberté de m’adresser à vous. Et s’il veut s’en remettre à votre jugement, je m’y soumets comme je le dois.

Je suis avec beaucoup de respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

4692. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
28 septembre.

Ô mes anges ! tout ce que j’ai prédit est arrivé. Au premier coup de fusil qui fut tiré, je dis : En voilà pour sept ans[1]. Quand le petit Bussy alla à Londres[2], j’osai écrire à M. le duc de Choiseul qu’on se moquait du monde, et que toutes ces idées de paix ne serviraient qu’à amuser le peuple. J’ai prédit la perte de Pondichéry, et enfin j’ai prédit que le droit du Seigneur de M. Picardet réussirait. Mes divins anges, c’est parce que je ne suis plus dans mon pays que je suis prophète. Je vous prédis encore que tout ira de travers, et que nous serons dans la décadence encore quelques années, et décadence en tout genre ; et j’en suis bien fâché.

On m’envoie des Gouju ; je vous en fais part.

Je crois avec vous qu’il y a des moines fanatiques, et même des théologiens imbéciles ; mais je maintiens que, dans le nombre prodigieux des théologiens fripons, il n’y en a jamais eu un seul qui ait demandé pardon à Dieu en mourant, à commencer par le pape Jean XII, et à finir par le jésuite Le Tellier et consorts. Il me paraît que Gouju écrit contre les théologiens fripons qui se confirment dans le crime en disant : La religion chrétienne est fausse : donc il n’y a point de Dieu. Gouju rendrait service au genre humain s’il confondait les coquins qui font ce mauvais raisonnement.

Mais vraiment oui ;


Dieu, qui savez punir, qu’Atide me haïsse[3] !

  1. Voltaire écrivait le 8 novembre 1756, à Mme de Lutzelbourg : « Cette belle affaire n’est pas prête à finir. »
  2. Afin de négocier la paix entre la France et l’Angleterre.
  3. Voyez, tome IV, les variantes de Zulime, acte III, scène v.