barie. Voilà ma lettre finie ; je vais voir mes greniers et mes granges.
Je vous présente mon tendre respect, et je vous aime encore plus que mon blé et mon vin ; j’ai fait pourtant d’assez bon vin, et beaucoup. Je parie, madame, que vous ne vous en souciez guère ; voilà comme l’on est à Paris.
Je vous dis et redis, mon vieil ami, qu’il me faut des fréronades[1] où il est question de Tancrède ; il y a une bonne âme qui se charge d’en faire un assez plaisant usage.
Avez-vous des Pierre ? Avez-vous donné un Pierre à Protagoras ? Que faites-vous chez votre médecin[2] ? Quid novi de litteratis et maleficiatis ?
Que dites-vous de Clairon, qui voulait un échafaud sur le théâtre ? Mon ami, il faut battre les Anglais, et ne pas imiter leur barbare scène. Qu’on étudie leur philosophie ; qu’on foule aux pieds comme eux les infâmes préjugés ; qu’on chasse les jésuites[3] et les loups ; qu’on ne combatte sottement ni l’attraction, ni l’inoculation ; qu’on apprenne d’eux à cultiver la terre ; mais qu’on se garde bien d’imiter leur théâtre sauvage.
Vous verrez bientôt, à ce que j’espère, Tancrède dans son cadre. M. et Mme d’Argental m’ont bien servi ; ils m’ont fait corriger bien des fautes : voilà de vrais amis. Les comédiens m’ont tailladé assez mal à propos ; mais tout sera réparé à la reprise. Voyez cette reprise ; je suis le plus trompé du monde, ou Tancrède doit faire pleurer toutes les petites filles à chaudes larmes.
J’ai bien peur que l’état de M. le duc de Bourgogne[4] ne soit fatal aux spectacles. Le roi perd bien des enfants ; il soutient de rudes épreuves de toutes façons. On ne le plaint point assez ; et quoiqu’on l’aime, on ne l’aime point assez. Allez, allez, messieurs les Parisiens, Dieu vous le conserve, et Mme de Pompadour ! Elle n’a fait que du bien, et vous n’êtes que des ingrats. Vale, amice.