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nos voisins de l’Académie des inscriptions. Il me semble que Vesta était adorée par les Grecs sous le nom de Cybèle, et sous celui de Vesta par les seuls Romains. Au surplus, je vous déclare qu’il y a longtemps que je n’ai lu de mythologistes. Voilà en gros ce que j’avais à vous dire sur votre tragédie, dont le succès dépendra beaucoup du spectacle et des acteurs. Le dernier coup de théâtre peut beaucoup frapper, si la machine sert bien le talent de l’actrice. Cette pièce m’est arrivée quand je commençais à être attaqué d’un gros rhume de poitrine, auquel la goutte s’est jointe. Je souffre moins aujourd’hui, et je profite de ce relâche pour vous écrire. On est bien sévère quand on est malade. Je vous dois cependant trois heures délicieuses, que la lecture de votre pièce m’a procurées. J’ai senti que les vieilles fables avaient du fondement, et que les beaux vers ont réellement le droit de suspendre pour quelques moments la douleur. Je serais entré dans un plus grand détail si ma santé me l’avait permis ; mais je n’ai pas voulu garder plus longtemps votre manuscrit. Adieu, mon cher confrère ; je vous aime, et j’adore vos talents et votre gaieté.


4774. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 12 décembre.

Ô anges ! voici une réponse à une lettre de M. de Thibouville, que je crois écrite sous vos influences.

Renvoyez-moi Cassandre cartonné, et je vous le renverrai sur-le-champ recartonné.

Ah ! mes anges, cela vaudra mieux que ce benêt de Ramire, qui ne sera jamais qu’un beau fils, un fadasse, un blanc-bec.

Je suis obligé de confesser à mes anges que je serai probablement forcé d’imprimer Cassandre dans trois mois au plus tard, pour des raisons essentielles, et que c’est une chose dont je ne serai pas le maître.

J’estime donc que, pour verser un peu d’eau des Barbades dans la carafe d’orgeat de Ramire, il conviendra de donner Cassandre tout chaud.

Je prends la liberté de demander des nouvelles du prince de Chalais, marquis d’Excideuil[1], comte de Talleyrand, ambassadeur en Russie en 1634, avec un marchand nommé Roussel. J’ai besoin et intérêt de tirer cette fable au clair. Vous avez un dépôt des affaires étrangères depuis 1601. M. le comte de Choiseul daignera-t-il m’aider ?

J’attends l’Espagne, je ne rêve qu’à l’Espagne. Je baise les ailes aux anges.

  1. Voyez tome XVI, page 420.