Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/573

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Je suis pénétré de vos bontés, madame ; j’ai le règlement ecclésiastique de ce Pierre le Grand qui savait si bien contenir les prêtres. J’ai son oraison funèbre ; et toute oraison funèbre est suspecte. Les matériaux ne me manquent point ; mais rien n’approche de vos Mémoires. L’aventure de la glace cassée[1], et la réponse de Catherine, sont des anecdotes bien précieuses. On voit bien tout ce que cela signifie, mais il n’est pas encore temps de le dire ; les vérités sont des fruits qui ne doivent être cueillis que bien mûrs. Je n’avais jamais entendu parler, madame, des Mémoires du baron de Wissen, qui avait élevé cet infortuné czarovitz ; ils doivent être fort curieux. Je vous avoue que je vous aurais la plus grande obligation de vouloir bien me les faire parvenir ; j’implore la protection de Mme la duchesse de Gotha pour obtenir cette grâce ; vous ne refuserez rien à ce nom. Je souhaite que ce baron Wissen ait dit la vérité : il devait bien connaître son élève ; mais la vérité qu’il peut dire est bien délicate. On m’ouvre en Russie à deux battants les portes de l’amirauté, des arsenaux, des forteresses, et des ports ; mais on ne communique guère la clef du cabinet et de la chambre à coucher.

Quand j’ai un peu de santé, madame, il me prend une forte envie de faire un tour d’Allemagne, d’aller surtout à Gotha, puis à Hambourg, puis à Rostock, et de me présenter en chevalier errant à la porte de Dalwitz ; mais, après ce beau rêve, quand je considère que j’ai bientôt soixante-dix ans, et que je deviens borgne, je reste à ma cheminée et entre deux poêles, tout plein de la respectueuse et tendre reconnaissance avec laquelle j’ai l’honneur d’être, madame, votre, etc.


4788. — À M. DUCLOS.

Aux Délices, 25 décembre.

Je présente à l’Académie ma respectueuse reconnaissance de la bonté qu’elle a eue d’examiner mon Commentaire sur les tragédies du grand Corneille, et de me donner plusieurs avis dont je profite.

Nous allons commencer incessamment l’édition. Les frères Cramer vont donner leur annonce au public ; les noms des souscripteurs seront imprimés dans cette annonce : on y verra l’empereur, l’impératrice-reine, et l’impératrice de Russie, qui

  1. Voyez tome XVI, page 623.