Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une action si lâche. Il a été outré de la proposition, et la turpitude des saints sera bientôt mise au grand jour. Je ne réponds pas qu’ils ne fassent quelque miracle qui leur conserve le bien usurpé, comme, par exemple, quelque faux contrat, quelque vieux titre de donation ; en ce cas je n’en serai encore que pour quatre ou cinq cents livres que j’aurai avancées. Il se peut encore qu’ils demandent une somme plus forte que celle qui sera déposée ; ce serait alors une difficulté embarrassante : il s’agira de savoir si les héritiers naturels seront tenus de donner plus d’argent qu’ils n’en avaient reçu quand ils mirent, eux ou leurs auteurs, cet héritage en antichrèse. C’est une matière à procès, sans doute ; et nous verrons alors si, en donnant encore quelque surplus, la terre vaudra le principal que nous donnerons ; en un mot, je ne risque rien, et tout le danger que je cours est de donner aux jésuites une nouvelle gloire s’il arrivait quelque empêchement dirimant, ce que je ne prévois pas. Alors les dix-huit mille livres passeraient du greffe de Gex dans la bourse d’un de vos auditeurs. M. des Franches, qui demande dix-huit mille livres. Il est fort riche, et payera bien. Et je passerai ce qui me reste de vie à faire de la terre le fossé, et à mettre mes chers voisins les jésuites dans la voie du salut.

Qu’est-ce donc que ce M. de Mably qui croit avoir fait une comédie ? Est-ce un fils de l’abbé de Mably, ci-devant secrétaire du cardinal de Tencin ? Que n’apprend-il plutôt à chiffrer. Je renverrai incessamment à monsieur votre frère l’énorme et inlisible paquet, avec une lettre honnête pour ce pauvre monsieur.


4358. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Au château de Ferney, par Genève, 5 décembre.

Monsieur, vous ne m’avez rien écrit sur vos vignes cette année. Je me flatte que la bénédiction de Jacob est tombée sur vous comme sur nos cantons. Nous ne sommes pas dignes, nous et notre vin de Gex, de la prodigieuse quantité que nous en avons ; mais nous faisons plus de cas de deux de vos tonneaux que de trente des nôtres. Si donc, monsieur, vous avez un tonneau de vin ordinaire et un d’excellent, je boirai l’un et l’autre à votre santé, en cas que vous vouliez bien me le permettre. Permettez-moi d’assurer Mme LeBault de mon respect ; c’est avec les mêmes sentiments que j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Éditeur, de Maudat-Grancey.